Le phénomène «Lytta Basset»: La théologienne a su toucher les distancés de l'Eglise et les non-croyants
1 octobre 2008
En dix ans, Lytta Basset a redonné au christianisme un visage accessible et actuel
Révélation pour nombre de déçus des Eglises, mais aussi sujet d’agacement pour une certaine frange de théologiens et de gens d’Eglise. Décryptage.Peseux, 10 septembre. Une mère et ses deux filles. On tente de comprendre le «pourquoi» du succès de Lytta Basset. Emilie, bachelor de théologie en poche, décrit l’ambiance dans les couloirs de la fac’ à Lausanne. «Tout le monde parle d’elle. Tout le monde est obligé de se positionner. Son succès à l’extérieur revient à l’intérieur de l’Alma mater, par les fenêtres: conférences par-ci, cours tout public universitaires par là. Ils sont tous bondés! Publications chez Albin Michel, couverture régulière des médias. Elle serait une prof comme les autres sans cela.» Jocelyne, maman d’Emilie, qui a repris des études à l’orée de la cinquantaine: «Elle ne laisse personne indifférent. Pour moi, elle a popularisé la théologie.» Emilie nuance: «Sauf qu’il ne s’agit pas de la théologie au sens général, mais de la sienne.» Un avis corroboré par Pierre Gisel, professeur de théologie systématique à la Faculté de Lausanne et collègue de Lytta Basset: «Elle saute allègrement par-dessus les vingt siècles d’histoire et de constructions diverses du travail théologique et doctrinal. Par exemple, son approche du mal, une question centrale du christianisme, occulte le «mal qu’on fait» pour s’attacher exclusivement au «mal qu’on subit». Elle a raison de vouloir rééquilibrer un christianisme par trop culpabilisant. Mais elle va trop loin dans l’autre sens, faisant fi de la complexité de la question. Sa vérité fait mouche à une époque où la quête de soi est devenue priorité absolue.»Celle qui a changé ma vieJocelyne: «La capacité à mettre des mots sur la souffrance, c’est vraiment la force de Lytta Basset.» Une force qui suscite parfois des attentes immenses: «Je vous présente celle qui a changé ma vie», lit-on sur la page d’un internaute anglophone. «J’attends une réponse d’elle, je dois l’entendre ce soir", crie une femme hystérique, à la caisse de l’Espace culturel des Terreaux où Lytta Basset donne une conférence à guichets fermés. «Les Eglises n’ont plus l’habitude de gérer le succès! Lytta Basset ne peut pas grand-chose contre l’adulation que lui voue une partie de son public», éxolique Serge Molla, pasteur de l’Eglise réformée vaudoise (EERV). «J’ai suivi nombre de ses cours. Jamais je n’ai ressenti le moindre raccolage de sa part», poursuit le ministre, qui voit dans le phénomène «Lytta» un véritable défi lancé à l’Eglise: «Tout à coup, des gens peu familiers des Eglises découvrent que ces vieux textes, ça les nourrit. Quant au phénomène de mode, au filon qu’elle exploiterait, il faut voir de quoi on parle! Son thème central, la souffrance, est le fruit d’un long travail sur elle-même, d’années d’expérience dans l’accompagnement spirituel à la paroisse de Champel à Genève. Un sillon méticuleusement explicité dans sa thèse de doctorat «Le pardon originel» (Labor et Fides, 1994), sillon qu’elle continue de creuser, en le déclinant à travers quelque dix ouvrages», tempère-t-il. Un propos exigeant mais accessibleGabriel de Montmollin, son éditeur, se souvient: «Comme c’est l’usage, on avait tiré sa thèse de 500 pages à 800 exemplaires. On a dû la rééditer à plusieurs reprises. Cinq mille exemplaires, pour une thèse, c’est du jamais vu.» Pour l’éditeur, les best-sellers de Lytta Basset reposent sur son rapport d’engagement face à son œuvre: «Il faut au préalable un propos structuré, ce qui est indéniablement le cas. Mais encore faut-il accompagner ce propos. Lytta Basset vit ce qu’elle dit et dit ce qu’elle vit. Du coup, c’est naturel pour elle de s’investir dans les dédicaces, les conférences et d’être présente en divers lieux.» Lytta Basset s’adresse au cœur des gens, aux parties asphyxiées de leur être. Pour Gabriel de Montmollin, sa force est «de les rejoindre dans leurs préoccupations avec des réponses exigeantes, puisées dans la Bible et l’Evangile, réponses qu’elle réussit à communiquer d’une façon simple.»Survivre dans l’Eglise ou en dehors d’elle?Olivianne, sœur cadette d’Emilie, a pris part à deux sessions de cours publics donnés par la théologienne: «Cela m’a permis de réfléchir autrement sur la Bible. De dépasser le plafond des réponses apportées par les différentes Eglises que j’ai fréquentées.» Pour la physiothérapeute en formation, ce qui compte, «c’est de pouvoir continuer à vivre dans une communauté ecclésiale avec un apport qui permet d’en supporter les déphasages.» Mais pour de nombreux autres, le maintien du lien avec une quelconque institution n’est plus à l’ordre du jour. Jocelyne s’interroge: «Tout en étant pleinement ancrée dans l’institution de l’Eglise, Lytta Basset serait-elle malgré elle d’une Eglise post-institution, d’une sorte d’Eglise liquide, selon la thèse de certains théologiens anglo-saxons?»
Spécialiste du religieux au journal «Le Temps», Patricia Briel pense que Lytta Basset brise les cadres, qu’elle ne peut plus être confinée à aucune institution: «Elle s’inscrit parmi les réponses données à une société en pleine effervescence spirituelle. Sa réussite tient à la transformation qu’elle a su opérer en faisant, comme elle le dit, .» Pierre-Yves Brandt, psychologue, théologien et doyen de la Faculté de théologie de Lausanne donne, quant à lui, une explication générationnelle du «phénomène»: «Lytta Basset met en mots les réponses aux questions que les gens se posent, comme elle se les est posées à leur âge. Ces personnes ont notamment en commun ce fameux rapport à la culpabilité que le religieux, mais pas seulement, leur a transmis dans leur enfance. Est-ce que son enseignement est d’ordre plus universel, multi-générationnel, c’est possible, mais il est encore trop tôt pour l’affirmer.» Il rejoint Gabriel de Montmollin en relevant l’extraordinaire engagement de sa consœur: «Peut-être y a-t-il, aujourd’hui, trop de fonctionnaires du culte parmi les pasteurs?».
Côté institutions, plusieurs professionnels n’apprécient pas le correctif de Lytta Basset sur l’excès de culpabilité relayée par les Eglises, qui ne renforce pas le lien des gens avec les paroisses. Antoine Reymond, pasteur et membre permanent du Conseil synodal de l’EERV estime que la pensée de la théologienne irrigue désormais l’Eglise, aux côtés d’autres voix moins médiatisées. «L’Espace des Terreaux est par exemple une démarche pionnière de notre Eglise à l’égard des distancés. Ce lieu accueille régulièrement les conférences de Lytta Basset». Pour l’homme d’Eglise, il s’agit d’user des forces de chacun: «Face à un auditoire, j’ai du Pierre Gisel dans ma réflexion et du Lytta Basset dans mon approche des gens!».
Spécialiste du religieux au journal «Le Temps», Patricia Briel pense que Lytta Basset brise les cadres, qu’elle ne peut plus être confinée à aucune institution: «Elle s’inscrit parmi les réponses données à une société en pleine effervescence spirituelle. Sa réussite tient à la transformation qu’elle a su opérer en faisant, comme elle le dit, .» Pierre-Yves Brandt, psychologue, théologien et doyen de la Faculté de théologie de Lausanne donne, quant à lui, une explication générationnelle du «phénomène»: «Lytta Basset met en mots les réponses aux questions que les gens se posent, comme elle se les est posées à leur âge. Ces personnes ont notamment en commun ce fameux rapport à la culpabilité que le religieux, mais pas seulement, leur a transmis dans leur enfance. Est-ce que son enseignement est d’ordre plus universel, multi-générationnel, c’est possible, mais il est encore trop tôt pour l’affirmer.» Il rejoint Gabriel de Montmollin en relevant l’extraordinaire engagement de sa consœur: «Peut-être y a-t-il, aujourd’hui, trop de fonctionnaires du culte parmi les pasteurs?».
Côté institutions, plusieurs professionnels n’apprécient pas le correctif de Lytta Basset sur l’excès de culpabilité relayée par les Eglises, qui ne renforce pas le lien des gens avec les paroisses. Antoine Reymond, pasteur et membre permanent du Conseil synodal de l’EERV estime que la pensée de la théologienne irrigue désormais l’Eglise, aux côtés d’autres voix moins médiatisées. «L’Espace des Terreaux est par exemple une démarche pionnière de notre Eglise à l’égard des distancés. Ce lieu accueille régulièrement les conférences de Lytta Basset». Pour l’homme d’Eglise, il s’agit d’user des forces de chacun: «Face à un auditoire, j’ai du Pierre Gisel dans ma réflexion et du Lytta Basset dans mon approche des gens!».