L'Entraide protestante suisse découvre un détournement de fonds sans précédent

légende / crédit photo
i
[pas de légende]

L'Entraide protestante suisse découvre un détournement de fonds sans précédent

3 octobre 2007
Près de 950'000 francs, soit 43% des 2,2 millions investis dans l'aide humanitaire au Niger entre 2005 et 2007, n'ont pas été affectés comme prévu. L'oeuvre d'entraide va déposer une plainte pénale contre le coordinateur local à Niamey.
« C'est une leçon sévère et douloureuse, car l'Entraide protestante suisse n'avait jamais connu pareil détournement de fonds. Il faut la prendre comme une occasion de s'améliorer » : la secrétaire romande de l'Entraide protestante suisse (EPER), Corinne Henchoz Pignani, entend tirer les leçons des projets d'aide humanitaire au Niger dans les domaines de la sécurité alimentaire, la construction de puits et la formation continue.

Depuis le printemps 2005, l'EPER a fourni une aide sous forme de semences, de céréales et de fourrage qui a permis de soutenir plus de 60'000 personnes dans cinquante villages de la région de Tahoua, alors que le pays était dévasté par la famine, le manque de pluie et l'invasion de criquets.

Les projets ont été menés avec succès, mais lors de leur clôture, près de 950'000 francs, soit 43% des quelque 2,2 millions investis dans l'aide humanitaire au Niger entre août 2005 et juin 2007, n'ont pas été justifiés d'un point de vue comptable. Comment un détournement de fonds d'une telle ampleur a-t-il pu se produire ?

« Nous nous sommes fiés au premier rapport d'audit reçu en juin 2006 de l'auditeur nigérien mandaté, qui nous assurait que tout se déroulait normalement. Début juin 2007, nous avons eu de premiers doutes et je suis partie immédiatement sur place. Nous recevions des rapports financiers trimestriels sur ce programme, mais sans pièces justificatives pour les dépenses engagées», poursuit Corinne Henchoz.

Sur le terrain, les 14 centres de nutrition existent bel et bien, mais seuls 5000 enfants souffrant de malnutrition en ont bénéficié, au lieu des 11'000 prévus. Les coûts budgétés des achats de céréales ont été maintenus à un prix dépassant celui du marché, anticipant une hausse de la demande qui ne s'est pas produite. «Les réalisations sur le terrain ont été effectuées, mais avec moins d'argent qu'on ne les a facturées.

C'est dur, car le rapport de confiance qui nous liait au coordinateur local à Niamey, responsable de la planification et de la mise en oeuvre du projet, a été brutalement rompu ». Cet homme a été licencié avec effet immédiat. L'EPER entend lancer des poursuites judiciaires à son encontre pour récupérer tout ou partie du montant détourné. L'oeuvre d'entraide n'a pas encore pris la décision de poursuivre son travail au Niger.

Désormais, l'EPER, dont les projets génèrent un chiffre d'affaire de 55 millions de francs dans 45 pays, souhaite demander des rapports financiers mensuels avec relevés bancaires et justificatifs pour tous ses projets de grande envergure. Du personnel qualifié sera chargé de leur suivi financier, indépendamment des personnes chargées de la gestion et de l'évaluation du projet.

Des lignes directrices préciseront en outre le contenu de l'audit financier et les qualités des mandataires choisis pour cette tâche. L'oeuvre d'entraide n'avait jamais connu un détournement d'une telle ampleur, ni soupçonné jusqu'alors une intention criminelle de la part d'un de ses correspondants sur place.