Intégration des étrangers et prévention du racisme dans le canton de Vaud : une coordinatrice qui veut « connaître pour mieux comprendre »

légende / crédit photo
i
[pas de légende]

Intégration des étrangers et prévention du racisme dans le canton de Vaud : une coordinatrice qui veut « connaître pour mieux comprendre »

30 mars 2007
Magaly Hanselmann connaît déjà bien le domaine de l’accueil des étrangers en Pays de Vaud
Cette ancienne responsable de la promotion de l’intégration au Centre Social Protestant(CSP) sera chargée d’appliquer la nouvelle loi sur l’intégration des étrangers et la prévention du racisme. Ses lunettes branchées et sa jeunesse (elle a 36 ans) pourraient surprendre dans un canton amateur de personnalités plus traditionnelles, mais dès son premier mot, son abord chaleureux rassure : Magaly Hanselmann ne quitte jamais une pointe d’accent vaudois. Ancrée dans un arrière-pays qu’elle apprécie (nous nous rencontrons près de chez elle, à la gare de Chavornay), la nouvelle coordinatrice en matière d’intégration des étrangers et de prévention du racisme connaît bien la réalité qu’elle va devoir affronter dès le 1er juin prochain. Affronter n’est certainement pas le mot qu’elle-même choisirait, tant elle paraît soucieuse de se montrer diplomate dans ce domaine délicat, qu’elle maîtrise parfaitement. L’intégration des étrangers, elle l’a déjà pratiquée en assurant durant quatre ans, au Centre Social Protestant (CSP), la promotion de cette tâche dans le canton de Vaud. Actuellement responsable de campagnes pour Amnesty International, cette diplômée en sciences politiques devra appliquer la nouvelle loi sur l’intégration des étrangers et la prévention du racisme, votée par le Grand Conseil en janvier dernier. Rencontre en forme de premier bilan.

« En 2002, lorsque j’ai pris le poste de responsable de l’intégration des étrangers dans le canton de Vaud au CSP, tout était nouveau. Le Centre Social Protestant avait reçu de la Commission fédérale des étrangers le mandat de créer un réseau en matière d’intégration. Nous devions fournir des prestations : encourager les cours de langues officielles, la formation de médiateurs interculturels qui puissent intervenir dans les hôpitaux ou à l’école, comme la ville de Vevey le fait, la participation à la société civile et politique, comme à Morges où la commission d’intégration accueille les nouveaux arrivants avec un livre, « Le Pays où je vis », ou les fêtes de quartier faisant se rencontrer « le plus de milieux différents possible ». L’Eglise protestante agit discrètement mais efficacement pour éviter la formation de ghettos, souligne Magaly Hanselmann, qui donne l’exemple du quartier de la Planchette à Aigle, composé à 80% de personnes immigrées, étiqueté « socialement sensible » et coupé du reste de la ville par les voies de chemin de fer : « le diacre Serge Paccaud a plusieurs projets pour renforcer les contacts dans ce quartier », comme la fête des couleurs 2007 qui réunira les 6 et 7 juillet les ressortissants d’une septantaine de pays.

« Nous sommes allés dans les régions qui accueillaient une forte population étrangère, à Moudon, Yverdon, Nyon, Renens, Villeneuve et Vevey. Les expériences ont été très différentes d’un endroit à l’autre. A Vevey, la Municipalité avait déjà réalisé un rapport sur l’intégration ; à Moudon, la soirée a été le catalyseur de la création du groupe Suisse/étrangers qui fait un travail efficace. Mais partout, on peut dire qu’il y avait des personnes convaincues de la nécessité d’agir et d’autres qui n’en comprenaient pas la raison ». A Villeneuve, où peu d’associations d’immigrés étaient présentes, faute peut-être d’avoir été contactées, le message n'était pas passé. En cinq ans, le paysage politique s’est cependant beaucoup modifié : « Dans beaucoup de cantons, il n’y avait pas de délégué à l’intégration des étrangers, alors qu’ils sont actuellement une vingtaine en Suisse, sans compter ceux des grandes villes comme Lausanne ».

Quand on lui demande pourquoi l’on est parvenu, dans les années 1970, à intégrer une forte immigration italienne, espagnole et portugaise, sans pourtant disposer de délégués à cet effet, Magaly Hanselmann admet que « tendanciellement, les immigrés de la seconde génération de ces pays européens ont mieux réussi que les Suisses à l’école », tout en relevant la forte proportion de saisonniers qui ne sont pas restés dans le pays après la fin de leur travail. Mais surtout, « avant, il y avait deux ou trois principales communautés relativement bien organisées, alors que maintenant, la diversité des migrants est énorme ; quelque huitante langues sont représentées dans des villes comme Renens dont plus de 54% de la population est sans passeport suisse. Il faut chercher ce qui nous rassemble plutôt que ce qui nous divise. Nous avons ainsi fait se rencontrer les Paysannes vaudoises et des femmes musulmanes sédentaires autour du crochet, un art que toutes pratiquaient, ou de plats tels le couscous et le bouilli de bœuf accompagné de légumes et de bouillon ». Magaly Hanselmann souhaite surtout « connaître pour mieux comprendre : "le débat actuel sur la criminalité des jeunes migrants me paraît faussé, parce que l’on n’a pas assez travaillé les statistiques pénales disponibles. J’aimerais commencer par en faire l’analyse. Une vie de quartier ne pourra cependant jamais empêcher tous les comportements illégaux. Le discours médiatique se focalise sur des faits divers comme s’ils étaient représentatifs de l’ensemble du débat. Ils en font certes partie, mais on manque d’informations chiffrées à ce sujet, ce d'autant que l'égalité des chances des migrants n'est pas assurée sur le plan professionnel. Et les familles d’étrangers ont peut-être peur, elles aussi, de vivre dans ces quartiers. Une peur que l’écho ne fait qu’augmenter".