Le pasteur de la Collégiale de Neuchâtel se recycle dans l’économie
16 janvier 2007
Pasteur à la Collégiale de Neuchâtel, Christophe Kocher vient de rendre son tablier : une décision qui fait encore figure d’exception dans la profession, visée par les restrictions budgétaires à laquelle l’Eglise doit consentir
Il revient sur les réactions engendrées par son choix, mais aussi sur les idées préconçues que les responsables des bureaux de placement ont des pasteurs. A l’annonce de mon départ, on m’a demandé si je célébrerai encore des cultes à l’avenir, à quoi j’ai répondu: «Oui, bien sûr, mais pas à Neuchâtel, du moins pas ces prochaines années», conformément aux exigences de la déontologie pastorale. Des demandes plus précises me sont aussi parvenues pour des baptêmes, des mariages et même de futurs services funèbres. J’y ai répondu par la négative; ces célébrations familiales sont tellement importantes car elles permettent au pasteur en place de tisser des liens et de renforcer la vie communautaire. Les gens du lieu ont dans l’ensemble bien compris que je ne serai plus «leur pasteur», mais un membre de l’Eglise neuchâteloise (EREN) servant de son mieux le Christ au travers de son travail. Si les gens comprennent bien que je reste croyant, ils ont du mal à saisir que je reste néanmoins pasteur!D’où vous vient une vision aussi affirmée de la vocation pastorale?Ma vision du ministère est celle que j’ai reçue dans mon Eglise d’origine, celle de la Confession d’Augsbourg d’Alsace et de Lorraine: on est pasteur à vie! L’ordination précède l’exercice du ministère pastoral à proprement parler; elle est donnée comme une promesse à celui ou celle qui se sent appelé. Il peut très bien arriver qu’à l’issue de ces deux années probatoires, on remarque qu’une personne n’est pas faite pour le ministère pastoral, mais cela n’enlève rien à la validité de son ordination. Rien ne peut remettre en question une promesse de Dieu! Bien sûr, ce cas de figure arrive rarement car les responsables des ministères exercent le discernement à l’endroit des candidats avant de les ordonner.Quelles ont été les réactions de vos collègues pasteurs?Certains étaient frappés qu’on puisse quitter le ministère pour rejoindre l’économie. Pour le social ou l’enseignement passe encore. Leurs remarques attestent d’un modèle encore fortement ancré dans les mentalités: soit on s’engage à vie dans le pastorat, soit on fait un autre métier. J’ai donc eu l’impression de toucher à un tabou. Relevons que ces échanges ont eu lieu sereinement, je crois que je n’ai fait qu’apporter une pièce supplémentaire au questionnement sur l’avenir du ministère.Comment l’économie a-t-elle accueilli votre candidature? Bien qu’au bénéfice d’une formation en économie, j’avoue qu’au début pour moi, ça a été un peu la claque! J’ai constaté qu’au regard des responsables des ressources humaines, les pasteurs étaient des inclassables! L’expérience pastorale n’est donc non seulement pas reconnue, mais en plus le pasteur fait peur. Il passe tantôt pour un être rigide, moraliste, distant et même austère! Pire que cela, le pasteur est celui qui ne sait pas travailler, on ne peut donc pas lui confier un boulot exigeant de la régularité. Le pasteur, c’est aussi est aussi le type trop gentil, à cause de l’amour prochain. Il ne saura donc pas prendre de décisions qui risqueraient de léser quelqu’un. On le perçoit aussi comme l’illuminé qui plane, qui vit en marge du monde et qui cherche à convertir ses collègues au passage!Vous avez trouvé du travail ?Oui! Mais j’ai eu besoin d’un solide réseau de connaissances pour m’appuyer dans mes recherches. Par ce biais, j’ai même eu le choix entre plusieurs offres. Ainsi ai-je opté pour un bureau de consultants dont les prestations s’adressent essentiellement à des administrations et à des institutions publiques.Une commission romande planche actuellement sur la revalorisation des études de théologie. Il est en effet grand temps de promouvoir positivement la profession pastorale. Il n’est pas juste que des bureaux de placement puissent prétendre qu’un pasteur n’a aucune expérience professionnelle. Un jeune qui s’inscrit aujourd’hui en faculté de théologie devrait être conforté dans son choix d’élargir son horizon, sa compréhension du monde, et dans le fait que le pastorat constitue un excellent arrière-plan pour faire face aux défis actuels dans presque tous les secteurs professionnels. Cela me semble d’autant plus urgent que, vu l’évolution actuelle, il n’est pas sûr du tout que les institutions ecclésiales puissent continuer à offrir à leur salariés une garantie de l’emploi.Pour vous, c’est maintenant le grand saut.Ch. K.: En tant que pasteur, peut-on ignorer de quoi est fait le monde dans lequel vivent les gens auxquels on transmet le message de vie de l’Evangile? Si ce monde est tel que je n’ai pu me l’imaginer jusqu’ici, il est alors grand temps que je le connaisse!