Dignité humaine des travailleurs : Pain pour le prochain repart au combat

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Dignité humaine des travailleurs : Pain pour le prochain repart au combat

6 octobre 2006
Beat Dietschy, nouveau secrétaire général du service des Eglises protestantes de Suisse pour le développement, avait élaboré la campagne dénonçant les victimes de violence qui a déplu au vice-président colombien
Nommé directeur général de l’œuvre, il prépare une action où les consommateurs s’engageront pour les droits des travailleurs dans l’industrie informatique.« Si l’on veut traiter du respect des droits humains, il faut être un peu choquant. On ne peut le faire sans parler de réalités concrètes » : en 2006, le pasteur Beat Dietschy, récompensé pour son « travail efficace dans le cadre de la campagne œcuménique annuelle» en obtenant la direction générale de Pain pour le prochain (PPP), a atteint son but. Une affiche présentant une boîte de conserve écrasée, symbolisant la répression et légendée : « une victime de la violence en Colombie », a suscité en avril la réaction indignée du vice-président colombien Francisco Santos et l’intervention de l’ambassade de Suisse. « Cette réaction indique que le message, en quelque sorte, est arrivé à bon port. Si l’on veut combattre la violence dans un pays, il faut responsabiliser tous les acteurs, y compris le gouvernement », déclare le nouveau secrétaire général de PPP, dans son bureau orné de l’affiche controversée. Il entrera en fonction à la fin de l’année.

Ce théologien de 56 ans qui fut, trois ans durant, responsable du secteur information/formation et membre du Groupe de direction de Pain pour le prochain admet avoir « écrit pas mal de lettres » à des personnes choquées, cette année, par le ton de la campagne en faveur des droits humains. « Certaines se demandaient si l’on pouvait assimiler la situation d’un être humain à celle d’une boîte, et donc d’une chose. Un entrepreneur qui possédait une filiale en Inde a affirmé « ne pas traiter ses ouvrières ainsi », faisant allusion à un tube d’aluminium pressé jusqu’à la dernière goutte et légendé « Une ouvrière exploitée en Inde ». Je lui ai répondu qu’il était peut-être une exception, mais qu’il existait dans ce pays des formes d’esclavages qui sont une réalité ». Beat Dietschy admet toutefois que l’on ne « peut prétendre traiter à fond un sujet par une affiche » et assure que ses interlocuteurs suisses ont, après discussion, bien compris le message.

En 2007, Pain pour le prochain, ses partenaires catholique Action de Carême et catholique chrétien Etre partenaires repartiront au combat avec une campagne intitulée « Nous croyons. Tout travail doit respecter la dignité humaine ». « Nous en appellerons à la coresponsabilité des entreprises et du public acheteur d’ordinateurs. Une campagne de cartes postales sera adressée aux cinq plus grands vendeurs d’ordinateurs en Suisse, pour leur demander comment, par qui, dans quelles conditions de travail et avec quels droits des travailleurs ce matériel est fabriqué. Si nous ne pouvons pas changer les lois ou la Constitution de pays tels la Chine, les Philippines ou la Thaïlande, nous voulons rappeler aux entreprises l’importance en droit international des quatre conventions de l’Organisation internationale du Travail (OIT) qui prohibent l’esclavage, le travail forcé des enfants, qui assurent le droit de se syndiquer et de constituer des comités de travailleurs, ainsi que le respect de l’égalité des chances et des traitements. Les vendeurs ne pourront se borner à répondre que cela n’est pas leur affaire », affirme Beat Dietschy. Des contacts seront établis avec les associations suisses de consommateurs et une étude sera lancée avec le centre de recherches sur les conditions de travail Somo, en Hollande. « Il ne s’agit pas de désigner des boucs émissaires, mais d’obtenir que les entreprises s’engagent dans un partenariat pour garantir de bonnes conditions d’emploi d’un bout à l’autre de la chaîne ».

Parallèlement, une campagne d’annonces dénoncera dans la presse le travail bon marché des enfants et des femmes migrantes employées dans l’économie domestique. « Au sein des œuvres protestantes, le message spécifique de PPP est d’expliquer que l’on peut agir pour un monde plus juste. La provocation doit montrer que l’être humain n’est pas une marchandise et que des solutions sont possibles », estime cet auteur d’une thèse en philosophie consacrée au concept très occidental de progrès. « La mondialisation, explique cet homme qui fut durant plusieurs années consultant en projets de développement et journaliste en Amérique latine, est à mon sens tout autre chose qu’une uniformisation du monde, elle implique de multiples interactions de cultures et de débats ».