Les rencontres de Caux ont 60 ans :L’art de la médiation parallèle pour rétablir la confiance dans les conflits
« Nous pensons que l’Afrique a une image qu’elle ne mérite pas, explique Bernard de Riedmatten, président de la Fondation Caux-Initiatives et Changement, et nous nous érigeons contre le scepticisme et le défaitisme qui a cours face à l’Afrique. Le dialogue qui aura lieu du 7 au 17 août prochain à Caux, a été voulu et préparé par les Africains eux-mêmes. Il abordera les thèmes de la bonne gouvernance et de la corruption, de la responsabilité au niveau personnel et vis-à-vis des autres et la résolution des conflits. Il a pour but de mobiliser et de renforcer le réseau des personnes engagées dans la construction d’une Afrique qui a un avenir et de l’espoir ».
Le Centre de Rencontres d’Initiatives et Changement à Caux (ancien Réarmement Moral) compte à son actif une longue série de médiations discrètes menées depuis la fin de la seconde guerre mondiale : rencontres franco-allemandes, décolonisation, conflit irlandais, Colombie, Israël-Palestine, Bosnie, Kosovo, Congo, Congo, Rwanda, Soudan, Somalie entre autres. Récemment, les protagonistes de l’Initiative de Genève ont été invités à passer ensemble deux jours à Caux.
« Nous invitons les organisations non gouvernementales à chercher des solutions concrètes à des situations réelles sur le terrain, précise l’ancien diplomate suisse qui fut le représentant permanent de la Suisse auprès des Nations Unies et des organisations internationales à Genève. « Souvent, après un conflit, les accords formels qui ont été signés sont insuffisants, voire même lettre morte, s’il n’y a pas une réconciliation profonde. C’est ce qui se passe actuellement au Darfour. Nous cherchons à rapprocher les points de vue, à créer un climat de respect mutuel et de franchise, à rétablir la confiance entre les différents protagonistes en tenant compte aussi de l’aspect émotif dans lequel se trouvent les protagonistes. A Caux, Initiatives et Changement, nous regroupons une quarantaine d’associations nationales, susceptibles de jouer un rôle utile dans la réconciliation dans les différentes parties du monde ».
Bernard de Riedmatten définit l’esprit de Caux comme un climat de tolérance et de paix qui incite chacun à renoncer à s’accuser mutuellement mais à s’écouter, et à chercher à se pardonner. « Chacun a fait des erreurs. Si on arrive à franchir cette première étape, on a un bien meilleur état d’esprit pour amorcer un dialogue. Nous faisons appel à la conscience de chacun. Nous basons notre action sur l’éthique personnelle et collective, qui permet de rallier autour de Caux des gens de toutes les tendances religieuses, politiques et sociales. Ici, musulmans et chrétiens dialoguent fréquemment. On offre aussi un enseignement aux jeunes venus du monde entier, sur le respect des droits de l’homme et l’on encourage chacun à bâtir son pays sur des bases démocratiques solides. Actuellement nous accueillons à Caux des jeunes Polonais, Moldaves et Ukrainiens dans ce but».
Lors de la table ronde qui a lancé les festivités du 60ème anniversaire de Caux, Madame Valentine Sendanyoye-Rugwabiza, directrice générale adjointe à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), l’ambassadeur Mohammed Sahnoun, conseiller spécial du Secrétaire général des Nations Unies et Lord Daniel Brennan, juriste et parlementaire travailliste britannique, qui préside une table ronde des hommes d’affaires à Caux, ont plaidé pour une éthique de l’honnêteté. Marquée par l’échec des négociations sur le développement de la semaine passée à l’Organisation Mondiale du Commerce, - les partenaires n’ont pas trouvé de terrain d’entente -, Madame Valentine Sendanyoye-Rugwabiza a déploré le manque de confiance des négociateurs les uns envers les autres, où chacun veut que l’autre fasse le premier pas. La confiance est ce qui manque le plus souvent, pour l’ambassadeur Mohammed Sahnoun, dans les expériences qu’il a vécues avec les Nations Unies en Somalie, au Rwanda, au Cambodge, en Bosnie notamment. Créer un climat de confiance ne peut se faire qu’en se montrant personnellement intègre, par la manière de nous comporter, par notre façon d’écouter l’autre sans jugement hâtif ; cela fait partie de l’intégrité et constitue le critère fondamental pour commencer un travail de médiation », a résumé Mohamed Sahnoun.