Le Conseil suisse des religions sera fondé lundi à Berne :« Un lieu unique pour chercher une opinion commune »

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Le Conseil suisse des religions sera fondé lundi à Berne :« Un lieu unique pour chercher une opinion commune »

12 mai 2006
Chrétiens, juifs et musulmans de Suisse seront réunis au sein d’une plateforme de communication unique au monde
Interview du pasteur Thomas Wipf, président de la Fédération des Eglises protestantes de Suisse, qui a lancé l’idée de cette institution originale.

L’idée d’un Conseil des religions regroupant les trois religions monothéistes, chrétiens, juifs et musulmans, permettant aux responsables religieux de ces Eglises de se rencontrer pour développer une opinion commune, est spécifique à la Suisse. Comment est-elle née ?

Thomas Wipf : « Tout est parti d’un appel lancé en 2003, à la veille de la guerre en Irak, lors d’une célébration interreligieuse à Berne à laquelle participaient les Eglises protestantes, catholique romaine et catholique chrétienne, les communautés juives et la Coordination des Organisations islamiques de Suisse. Dans cette déclaration commune, nous voulions maintenir la paix confessionnelle et religieuse en Suisse, consolider le dialogue entre nous et nous opposer aux tentatives de susciter la méfiance et l’inimitié sous des prétextes politiques. Par la suite, nous avons décidé de fonder un lieu de rencontre où les responsables religieux puissent dialoguer sur mandat de leur communauté. Se connaître permet de trouver plus rapidement des solutions aux problèmes de politique religieuse, tout en assumant une responsabilité commune ».

Il a cependant fallu attendre trois ans pour que ce projet voie le jour, pourquoi ?

« Une telle instance n’existait pas en Europe ni en Suisse. Les responsables religieux devaient solliciter l’aval de leur Eglise respective pour participer. Les musulmans devaient savoir qui serait leur porte-parole dans notre pays, qui compte 120 organisations et 80 centres ethniques. La Coordination des Organisations Islamiques en Suisse ne représente qu’une partie de l’Islam, raison pour laquelle la Fédération des organisations islamiques en Suisse fait aussi partie du Conseil. Je suis persuadé que leurs présidents respectifs, Farhad Afshar et Hisham Maizar, représentent la grande majorité des musulmans en Suisse, même si ce n’est pas la totalité ».

Les thèmes débattus porteront sur des questions concrètes, telles que l’importance des symboles (foulard, croix chrétienne) pour chaque religion ou l’aide au suicide (associations Exit ou Dignitas). Pensez-vous pouvoir toujours présenter une position commune et unifiée ?

« Non. Notre position sera sans doute présentée ensemble, mais de manière différenciée. Jusqu’alors, si les Eglises étaient consultées par les autorités sur des thématiques importantes pour les juifs ou les musulmans, comme l’abattage rituel, il n’existait pas de lieu structuré où rechercher une position commune. La position du Conseil laissera cependant la place à la spécificité de chacun ; par exemple, dans l’affaire des caricatures, les Eglises chrétiennes ont rappelé l’importance de la liberté d’expression qui ne doit pas léser les sentiments religieux, alors que les musulmans ont plutôt souligné les atteintes dont ils étaient l’objet. On ne recherchera pas à tout prix le plus petit dénominateur commun. Il y a dans notre pays des valeurs judéo-chrétiennes fondamentales qui ne peuvent être compatibles avec les positions de certains pays islamiques, comme la nécessité d’une stricte séparation entre religion et politique. Qu’il s’agisse de l’édification de minarets, de la participation aux cours de natation ou des symboles religieux, ces problèmes sont réglés en Suisse de manière très pragmatique et je trouve cela souhaitable. »

Les Eglises chrétiennes, qui regroupent 75% de la population suisse, les musulmans et les juifs sont aujourd’hui seuls représentés dans le Conseil. Envisagez-vous un élargissement ?

« Nous n’entendons pas entrer en concurrence avec les groupes qui, localement, font un travail de dialogue interreligieux. Nous ne voulons pas devenir un parlement de différentes Eglises, mais être représentatifs des principales communautés. A terme, nous souhaiterions que les orthodoxes se joignent à notre Conseil, mais leurs communautés sont très différenciées et nous ignorons dans quel délai cela sera possible. Il faut pour l’heure que notre structure fasse ses preuves. »