Nouvelle déferlante religieuse : la méga-Eglise International Christian Fellowship (ICF) décolle en Suisse romande

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Nouvelle déferlante religieuse : la méga-Eglise International Christian Fellowship (ICF) décolle en Suisse romande

30 mars 2006
Depuis une année, des chrétiens évangéliques se rassemblent chaque dimanche dans le quartier de la Gare à Genève pour des célébrations spectaculaires, à grand renfort de projecteurs, de musique rock d’effets spéciaux
Le prédicateur-entrepreneur Matthias Bölsterli, initiateur de cette méga-Eglise, qui fait un tabac à Zurich en ciblant les jeunes, auxquels il veut imposer une morale stricte, – pas de sexe avant le mariage, refus de l’avortement -, et une lecture simplifiée de la bible, débarque, tambour battant, en Suisse romande.

A Genève en une année, le chiffre des participants au culte a décuplé pour avoisiner les 150 personnes. C’est sous l’impulsion de Matthias Bölsterli, que les activités ont véritablement décollé. L’enseignant devenu pasteur-entrepreneur n’en est pas à son coup d’essai. Il y a dix ans, il fondait ICF-Zurich avec deux amis. En quelques années, l’aventure d’un simple culte intercommunautaire allait devenir la plus grande Eglise locale de Suisse.

Depuis, l’Eglise-mère a essaimé dans une douzaine de villes en Suisse alémanique et en Allemagne, en Angleterre et en Hollande. Elle se voit déjà implanter une Eglise dans chaque grande ville européenne. En territoire francophone, des cultes ont démarré en 2002 à Lausanne et 2005 à Genève. Neuchâtel, Sion, et Fribourg sont également en projet; Bienne est en train de redémarrer ses activités après un premier échec.

Sa stratégie d’expansion se base sur trois piliers : des petits groupes enthousiastes qui se retrouvent en semaine, des cultes spectacles destinés aux convaincus et des événements festifs offrant une image branchée et décontractée de la religion. Les fidèles sont alors vivement encouragés à inviter leurs amis et collègues.

2000 jeunes au culte

Chaque week-end, ils sont plus de deux mille jeunes de moins de 40 ans à fréquenter la Maag-Areal de Zurich West, le quartier à la mode. Ce n’est pas la vie nocturne trépidante qui les attire, mais l’un des cultes qui se tiennent dans l’ancienne usine reconvertie en salle de spectacles. Avec des groupes spécifiques pour chaque tranche d’âge, l’Eglise a su viser juste : son style s’adapte à tous les publics, à l’exception des personnes âgées. Et pour cause, les deux tiers de la cérémonie sont saturés de musique rock tantôt bien rythmée, tantôt enjôleuse. "Nous avons parmi les meilleurs musiciens de Suisse", se vante Matthias Bölsterli. Il enchaîne : L’un de nos disc-jockey a même refusé un contrat juteux dans une des plus grandes discos de Zurich pour faire une soirée avec nous. La modestie n’est pas à l’ordre du jour. Le budget zurichois de plus de 3,5 millions, les 23 personnes engagées à plein-temps et les infrastructures dernier-cri le rendent ambitieux.

Autorité pyramidale

L’Eglise ICF prêche une lecture simplifiée et actualisée de la Bible. Les Eglises traditionnelles répondent à des questions que les gens ne se posent pas, déclare Matthias Bölsterli. Pourtant la Bible offre des réponses aux questions de la vie et nous voulons les rendre accessibles aux jeunes. Il cite en exemple : Comment réussir son mariage ? Comment avoir du succès dans mon travail ? Ainsi, le groupe enseigne-t-il des pratiques morales strictes : pas de sexe avant le mariage, refus de l’avortement, paiement de la dîme (dix pour cent des revenus versés à l’Eglise). Sa doctrine n’est pas différente des autres communautés évangéliques remarque Georg Schmid, le spécialiste zurichois des sectes. Le principal reproche que je lui fais, c’est de ne pas être démocratique ajoute l’ancien professeur de sciences des religions. Il précise : Dans une autre église évangélique, les membres votent pour chaque décision d’importance. Ici, c’est le petit noyau de responsables qui décide tout. Matthias Bölsterli confirme : « Un bon leader doit être à l’écoute des autres, mais la majorité n’a pas toujours raison ».

Entre méfiance et jalousie

Depuis que Claudio Minder, élu Mister Suisse en 2000, a clairement fait savoir son appartenance à l’Eglise, ICF a occupé le haut du pavé médiatique zurichois. L’œil suspicieux des autorités, des Eglises et des antennes d’information sur les sectes a fait couler beaucoup d’encre depuis. Cependant, les pires jos_content ont toujours correspondu aux périodes de plus grande croissance, relève confiant, Matthias Bölsterli.

Du côté des églises évangéliques, ICF est plutôt perçue comme une concurrente confie Georg Schmid. Près de 70 % des jeunes d’ICF sont issus d’autres églises de la ville estime le théologien. Il ajoute encore : L’Armée du Salut a même refusé de lui vendre un terrain très bien placé, parce qu’ICF lui vole ses jeunes.

D’autres communautés ont plutôt choisi l’option de suivre le modèle. C’est le cas de l’Eglise réformée zurichoise qui a démarré depuis peu une « Street Church ». Il faut créer des événements pour s’adresser à la jeune génération et nous n’avons pas vraiment pris le virage. Il est vrai qu’ICF est expert en communication, admet le pasteur de jeunesse Thomas Maurer.