SIDA: LA TERRIBLE RESPONSABILITE DE LA BANQUE MONDIALE

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SIDA: LA TERRIBLE RESPONSABILITE DE LA BANQUE MONDIALE

17 mai 2005
Economiste d’abord, journaliste aussi, Garance Upham a la double nationalité américaine et française
Comme consultante au COE, elle a édité un numéro spécial de la revue Contact pour la Commission médicale chrétienne. La première année de sa vie, suite à une grave erreur médicale, elle avait été contaminée par le virus de la polio, qui l’a rendue infirme à 90 %. Le diagnostic médical était sombre:” elle ne marchera jamais, elle ne pourra même pas se tenir assise”.Grâce à la rééducation - jusqu’à 8 heures par jour - elle marchera à 13 ans avec une simple canne! Mme Upham a maintenant une fille de 12 ans. Douée d’une énergie communicative, elle travaille dans le Mouvement pour la santé des peuples, et prépare l’Assemblée mondiale des peuples pour la santé. Interview”.Dans l’exposé qu’il a fait devant la conférence, le Kényan Samuel Kabue, s’il n’a pas remis l’église au milieu du village, a en tout cas remis les handicapés au milieu de l’église.Il a critiqué la charité qui rend dépendant. A priori, dans la mentalité charitable, on fait quelque chose pour les handicapés. Sam m’a beaucoup fait rire, car la paysanne qui m’a élevée était comme ça, elle avait une foi pratique et demandait toujours à l’Eglise qu’on prie pour ma guérison, comme si celle-ci allait intervenir par miracle. Et si le miracle ne se produisait pas, était-ce parce que la patiente ou sa mère adoptive manquaient de foi? En fait, le miracle, c’est qu’avec les secours de la médecine j’aie pu marcher, à force d’efforts.Tout se passe-t-il comme si les handicapés n’étaient pas considérés comme ayant quelque chose à offrir à l’Eglise et à la société? On part du principe que ces personnes doivent être servies et qu’elles ne peuvent servir. Sous-entendu, ce sont des incapables. On fait avec eux des groupes à part, on recommande aux sourds et malentendants de devenir cordonniers, alors qu’ils pourraient s’épanouir dans de nombreux domaines si on généralisait l’usage de la langue des signes. Je m’élève aussi contre le mélange des handicapés physiques et mentaux dans les institutions spécialisées. Prenez l’exemple du survivant de la thalidomide Thomas Quasthoff ( il a des bras très courts et mesure 1,34 m) qui avait été placé dans une institution réservée aux graves handicapés mentaux: c’était une violation de ses droits à l’éducation. Par d’autres voies, il est devenu aujourd’hui un des plus grands barytons au monde! Sa voix communique la beauté dans toute sa splendeur. Quant à moi, je me réjouis du cadeau que représente mon existence, au point de convergence d’efforts, de dons, de découvertes. Ce cadeau crée aussi un devoir: rendre le monde meilleur, plus juste.Vous travaillez depuis 20 ans dans les domaines de la tuberculose et du VIH/sida. Dans quel sens allez-vous? Au niveau international et dans les Eglises, j’essaie de relancer le débat: quelles sont les causes du sida et comment y faire face? On n’est pas arrivé à enrayer la pandémie, parce qu’on s’est peut-être trompé dans le choix des méthodes. On a limité l’éventail à la stricte approche d’un mal qui ne serait transmis que par certains comportements sexuels. D’où l’insistance sur le préservatif, la fidélité. Mais dites-moi, les habitants du Botswana sont-ils donc 350 fois plus actifs sexuellement que les occidentaux?

Le virus du sida est à diffusion hématogène, c’est-à-dire qu’il se transmet par le sang. Or, sur plus de 16 millions d’injections annuelles dans le monde, plus de la moitié se fait avec des seringues sales. Les conditions d’hygiène sont une des principales causes de la contamination. Y a-t-il donc une différence fondamentale entre pays riches et pauvres? Dans les pays du G7, une des premières choses qu’on a faites, fut de renforcer la sécurité des transfusions. Mais il y a plus. On a passé sous silence les liens entre VIH et pauvreté, entre la tuberculose (tb) et le sida. Sous la direction du professeur Anthony Fauci, qui dirige le NIAID* du NIH**, on a établi le lien étroit entre le bacille de la tb et le virus VIH. Les chercheurs ont montré que quand le bacille de la tb était présent, il entraînait une multiplication du VIH, la charge virale augmentant entre 10 et 160 fois. Or la tb est une maladie de la pauvreté, et pourrait être éradiquée.Les programmes de prévention ne vont-ils pas dans ce sens?- Pour combattre véritablement le fléau en Afrique, il faudrait un plan Marshall pour lutter contre les maladies parasitaires ou bactériennes que l’on sait prévenir ou guérir (paludisme, tb). On a à peine mentionné la conférence de presse d’Anthony Fauci en 1996, parce que de tels diagnostics vont à l’encontre des programmes de restructuration structurelle du FMI. La Banque mondiale, elle, contrôle les programmes de santé des pays du Sud, et exige partout la privatisation des services publics et des programmes de limitation des naissances.

On a dépensé plus de 6 milliards de dollars pour lutter contre le sida, en insistant sur le comportement sexuel, au lieu de viser la dimension sociale. On affirme: chaque être humain est libre… Or la pandémie continue de se répandre, on s’attend à 400 millions de morts dans 25 ans. Dans les couloirs des grands forums internationaux, j’ai entendu souffler: le sida fait du bon boulot, de toutes façons il y a trop de population au Sud.Comment comprendre une telle politique? Je la trouve criminelle.

* National Institute of Allergic and Infectious Diseases.

** Plus grosse organisation dans son genre, le National Institute of Health centralise les recherches médicales aux Etats-Unis.