Quand catholiques et évangéliques votent d’une même voix
11 mai 2005
En juin prochain, lors du scrutin sur le partenariat enregistré, on constatera une fois encore qu’en matière d’éthique, la sensibilité évangélique s’accorde mieux avec celle des catholiques que des réformés
Eclairage. Avortement, euthanasie, manipulation génétique, homosexualité : les débats éthiques se succèdent en Suisse depuis quelques années. Et une réflexion vient immédiatement à l’esprit de l’observateur : à chaque fois, l’opinion évangélique semble beaucoup plus proche de la sensibilité catholique que de celle des réformés, dont ils partagent pourtant la même origine ecclésiale.
Malgré de profondes divergences théologiques, et une absence de reconnaissance du côté romain pour des communautés souvent considérées comme autant de sectes, force est de constater qu’en matière d’éthique comme de témoignage, catholiques et évangéliques font souvent front commun. Chez les évangéliques, cela passe notamment par l’existence de deux partis au niveau fédéral, et plus épisodiquement par l’Alliance évangélique nationale. Chez les catholiques, ce rôle reste dévolu à la Conférence des évêques, avec en marge, quelques réactions d’associations militantes se réclamant du catholicisme, comme Provie, et des mouvements plutôt dissidents à l’instar de la Ligue suisse des Femmes catholiques. En 2002, catholiques et évangéliques avaient même fait front commun contre la décriminalisation de l’avortement. Ne pas généraliserD’un côté, il y aurait donc des réformés qui affichent – notamment par l’intermédiaire de l’institut d’éthique de la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS) – une morale ouverte au monde et à ses évolutions. De l’autre, des évangéliques et des catholiques qui continuent de considérer les valeurs de la Bible comme universelles. « Catholiques et évangéliques se sont longtemps ignorés et méfiés les uns des autres. Maintenant, nous ne nous diabolisons plus, et nous apprenons à nous découvrir », explique par exemple l’Abbé Philippe Baud, habitué des chroniques du quotidien vaudois 24 heures. Même s’il reconnaît « une égale importance apportée à la communauté, à l’inverse de l’individualisme réformé », Philippe Baud souligne cependant qu’il faudrait ne pas généraliser et parler plutôt de proximité éthique entre certains catholiques et évangéliques. « Pour ma part, je suis au contraire souvent frappé par des convergences avec Claude Schwaab, le pasteur qui s’exprime dans le même journal que moi. Nous partageons une même sensibilité envers le monde qui nous entoure ».
Ministre chargé du dialogue confessionnel au sein de l’Eglise réformée vaudoise (EERV), Martin Hoegger reconnaît que de manière générale, « les questions éthiques divisent autant que les objets doctrinaux. En Suisse, le clivage entre la FEPS et les évêques est assez net. Alors qu’il existe au contraire des convergences entre ces derniers et les évangéliques, notamment sur l’orientation sexuelle ».
Au sein du Conseil des Eglises chrétiennes vaudoises qu’il préside, regroupant une quinzaine de mouvements différents, « la position réformée apparaît minoritaire ». Martin Hoegger estime d’ailleurs que « les prises de position du Conseil de la FEPS ne respecte pas suffisamment la diversité de pensée réformée ». Cette hétérogénéité est apparue clairement en 2004 à Accra, lors de la dernière assemblée de l’Alliance Réformée Mondiale, qui représente une bonne moitié des Eglises issues de la Réforme dans la monde : « Le seul consensus qui s’est dégagé a été l’engagement pour le respect des droits de l’homme. C’est maigre ». Coordinateur romand de Campus pour Christ et président de l’Action commune des Eglises lausannoises (ACEL), Thomas Weber voit également une évolution dans la pensée réformée de ces vingt dernières années : « On y sent moins le souci de proximité avec la Parole ».
Selon Martin Hoegger, les divergences intra protestantes apparaissent aussi clairement dans le domaine de l’évangélisation, « un mot devenu tabou chez nous, alors qu’il appartient à l’essence même de l’Eglise ». Les évangéliques, eux, en font une priorité. Ainsi, les cours d’introduction à la foi chrétienne « Alpha » sont largement repris dans leurs rangs comme dans ceux des catholiques, mais plutôt boudés par les réformés. « A moins que le pasteur ne cache pas sa sensibilité évangélique », relève Olivier Fleury, coordinateur romand d’Alpha. Pour autant, le but n’est pas forcément le même d’après Thomas Weber : « Les évangéliques insistent surtout sur le salut personnel, alors que les catholiques visent avant tout l’insertion dans l’Eglise ».Pas facile de dépasser les divergencesConservatisme doctrinal contre actualisation permanente, communautarisme contre individualisme, refus d’une déchristianisation de la société contre crainte du prosélytisme : évangéliques et réformés peinent à dépasser deux visions différentes d’une même foi. Sur le terrain, leurs relations dépendent davantage des personnes que de déclarations de collaboration jusqu’ici peu fructueuses. Chacun semble vivre sur son quant-à-soi. « D’autant que, structurellement, les évangéliques sont organisés de manière romande, alors que les Eglises réformées sont cantonales », rappelle Thomas Weber.
« Il n’existe pas de confession de foi chez les réformés, mais une Eglise multitudiniste avec des ministres très différents les uns des autres », note Roland Ostertag, représentant évangélique au sein du Conseil des Eglises chrétiennes et ancien vice-président de la Fédération des Eglises et oeuvres évangéliques (FREOE). Constatant qu’il y a « peu d’événements permettant d’avancer ensemble », et que « l’on se sent appartenir à une même famille protestante surtout par opposition à des positions dogmatiques catholiques comme le rapport à la grâce ou la doctrine du salut », Roland Ostertag admet également « que les divergences entre réformés et évangéliques se sont accentuées depuis que la FEPS a des prises de parole fortes, notamment autour des objets de votation ».
Reste donc à trouver le moyen de dépasser les divergences en partant de ce qui rassemble la famille protestante. Dans l’ouest lausannois, une initiative originale s’y emploie. Roland Ostertag : « Il s’agit d’un groupe inter protestant dans lequel nous abordons toutes ces questions. Avec parfois des avis très différents, mais en évitant toujours la rupture ». Un exemple à imiter.
Malgré de profondes divergences théologiques, et une absence de reconnaissance du côté romain pour des communautés souvent considérées comme autant de sectes, force est de constater qu’en matière d’éthique comme de témoignage, catholiques et évangéliques font souvent front commun. Chez les évangéliques, cela passe notamment par l’existence de deux partis au niveau fédéral, et plus épisodiquement par l’Alliance évangélique nationale. Chez les catholiques, ce rôle reste dévolu à la Conférence des évêques, avec en marge, quelques réactions d’associations militantes se réclamant du catholicisme, comme Provie, et des mouvements plutôt dissidents à l’instar de la Ligue suisse des Femmes catholiques. En 2002, catholiques et évangéliques avaient même fait front commun contre la décriminalisation de l’avortement. Ne pas généraliserD’un côté, il y aurait donc des réformés qui affichent – notamment par l’intermédiaire de l’institut d’éthique de la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS) – une morale ouverte au monde et à ses évolutions. De l’autre, des évangéliques et des catholiques qui continuent de considérer les valeurs de la Bible comme universelles. « Catholiques et évangéliques se sont longtemps ignorés et méfiés les uns des autres. Maintenant, nous ne nous diabolisons plus, et nous apprenons à nous découvrir », explique par exemple l’Abbé Philippe Baud, habitué des chroniques du quotidien vaudois 24 heures. Même s’il reconnaît « une égale importance apportée à la communauté, à l’inverse de l’individualisme réformé », Philippe Baud souligne cependant qu’il faudrait ne pas généraliser et parler plutôt de proximité éthique entre certains catholiques et évangéliques. « Pour ma part, je suis au contraire souvent frappé par des convergences avec Claude Schwaab, le pasteur qui s’exprime dans le même journal que moi. Nous partageons une même sensibilité envers le monde qui nous entoure ».
Ministre chargé du dialogue confessionnel au sein de l’Eglise réformée vaudoise (EERV), Martin Hoegger reconnaît que de manière générale, « les questions éthiques divisent autant que les objets doctrinaux. En Suisse, le clivage entre la FEPS et les évêques est assez net. Alors qu’il existe au contraire des convergences entre ces derniers et les évangéliques, notamment sur l’orientation sexuelle ».
Au sein du Conseil des Eglises chrétiennes vaudoises qu’il préside, regroupant une quinzaine de mouvements différents, « la position réformée apparaît minoritaire ». Martin Hoegger estime d’ailleurs que « les prises de position du Conseil de la FEPS ne respecte pas suffisamment la diversité de pensée réformée ». Cette hétérogénéité est apparue clairement en 2004 à Accra, lors de la dernière assemblée de l’Alliance Réformée Mondiale, qui représente une bonne moitié des Eglises issues de la Réforme dans la monde : « Le seul consensus qui s’est dégagé a été l’engagement pour le respect des droits de l’homme. C’est maigre ». Coordinateur romand de Campus pour Christ et président de l’Action commune des Eglises lausannoises (ACEL), Thomas Weber voit également une évolution dans la pensée réformée de ces vingt dernières années : « On y sent moins le souci de proximité avec la Parole ».
Selon Martin Hoegger, les divergences intra protestantes apparaissent aussi clairement dans le domaine de l’évangélisation, « un mot devenu tabou chez nous, alors qu’il appartient à l’essence même de l’Eglise ». Les évangéliques, eux, en font une priorité. Ainsi, les cours d’introduction à la foi chrétienne « Alpha » sont largement repris dans leurs rangs comme dans ceux des catholiques, mais plutôt boudés par les réformés. « A moins que le pasteur ne cache pas sa sensibilité évangélique », relève Olivier Fleury, coordinateur romand d’Alpha. Pour autant, le but n’est pas forcément le même d’après Thomas Weber : « Les évangéliques insistent surtout sur le salut personnel, alors que les catholiques visent avant tout l’insertion dans l’Eglise ».Pas facile de dépasser les divergencesConservatisme doctrinal contre actualisation permanente, communautarisme contre individualisme, refus d’une déchristianisation de la société contre crainte du prosélytisme : évangéliques et réformés peinent à dépasser deux visions différentes d’une même foi. Sur le terrain, leurs relations dépendent davantage des personnes que de déclarations de collaboration jusqu’ici peu fructueuses. Chacun semble vivre sur son quant-à-soi. « D’autant que, structurellement, les évangéliques sont organisés de manière romande, alors que les Eglises réformées sont cantonales », rappelle Thomas Weber.
« Il n’existe pas de confession de foi chez les réformés, mais une Eglise multitudiniste avec des ministres très différents les uns des autres », note Roland Ostertag, représentant évangélique au sein du Conseil des Eglises chrétiennes et ancien vice-président de la Fédération des Eglises et oeuvres évangéliques (FREOE). Constatant qu’il y a « peu d’événements permettant d’avancer ensemble », et que « l’on se sent appartenir à une même famille protestante surtout par opposition à des positions dogmatiques catholiques comme le rapport à la grâce ou la doctrine du salut », Roland Ostertag admet également « que les divergences entre réformés et évangéliques se sont accentuées depuis que la FEPS a des prises de parole fortes, notamment autour des objets de votation ».
Reste donc à trouver le moyen de dépasser les divergences en partant de ce qui rassemble la famille protestante. Dans l’ouest lausannois, une initiative originale s’y emploie. Roland Ostertag : « Il s’agit d’un groupe inter protestant dans lequel nous abordons toutes ces questions. Avec parfois des avis très différents, mais en évitant toujours la rupture ». Un exemple à imiter.