Entre Bible et bistrots, le pasteur jongleur de Genève

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Entre Bible et bistrots, le pasteur jongleur de Genève

28 avril 2005
Artiste de cirque, chanteur classique, ancien squatteur, Jean-Michel Perret a le verbe clair et le caractère bien trempé
Dernier ministre engagé par l’Eglise réformée du bout du lac, il travaille à « mettre les jeunes en route ». Rencontre avec un ministre engagé et non conformiste. A Genève, on le qualifie de pasteur atypique et cela l'énerve. Jean-Michel Perret, c'est « Jean-Mi » pour les jeunes de la région « 2 Nord » (Petit et Grand Saconnex - Versoix). Jongleur, chanteur classique, ancien squatteur, le verbe clair et le caractère bien trempé, ce Biennois de trente-trois ans est passé par des études de théologie à Genève et deux ans de philosophie à Pise. Il est aussi le dernier ministre engagé par l'Eglise réformée genevoise (EPG), en 2000, avant le gel des postes puis la suppression d'une douzaine d'entre eux. « Débarquer dans ces conditions, forcément, n’est pas chose facile. Comme en plus je suis un peu marginal, j’ai ramé pour gagner la confiance des autorités ».

Et il n'a pas trop mal réussi, puisque voilà bientôt cinq ans qu’il part à la rencontre des jeunes de la ville. A partir de l’AJEG (Animation jeunesse de l’Eglise protestante de Genève) d’abord, en solo pour le compte de sa région désormais. Pas d'horaire de travail fixe, un bureau partagé entre bureau et bistrots, Jean-Michel Perret n'hésite pas à consacrer week-ends et soirées à rejoindre les adolescents, là où ils en sont. « Mon mandat, c'est d'être proche d'eux, sans forcément les ramener à l'Eglise. Je ne leur demande ni d’être croyants, ni de réciter une profession de foi. Juste d’être là ».Théologien et non loubardA Pâques dernier, un culte télévisé retransmis en Eurovision le montre sur les écrans en train de jongler avec plusieurs jeunes. Le retentissement est très important, les retours aussi. Depuis lors, le surnom de « pasteur jongleur » lui colle à la peau. « Pourtant, mon approche reste assez réformée. Je commence par exemple chaque soirée avec un texte biblique par rapport auquel je suscite des réactions ». C’est ensuite l’heure d’entonner quelques refrains, le chant – qu’il a pratiqué à Sofia - et la guitare faisant partie de ses talents. Et puis il y a bien sûr le jonglage, qu’il a appris à l’école de cirque Théatricul de Thonex. Il l’utilise pour « annoncer l’Evangile, de manière intuitive, par exemple en symbolisant des personnages bibliques par les balles ».

Même s’il connaît les monde alternatif et affectionne le milieu bohème, Jean-Michel Perret ne se la joue pas loubard. « La première chose qui compte, dans le contact avec les jeunes, c’est l’authenticité. Mon papa était directeur du gymnase de Bienne, j’ai grandi dans une jolie villa et j’ai simplement squatté comme beaucoup d’enfants de bourgeois qui arrivent en ville ». Il se définit d’ailleurs volontiers comme théologien et ce n’est donc pas là qu’il faut chercher son non conformisme, mais plutôt dans une certaine approche de son activité. « J’essaie d’entrer en relation, de proposer des idées qui mettront l’un ou l’autre en mouvement. Et puis de cheminer avec ». Malgré les raideurs de certaines paroisses, il reste persuadé « que l’Eglise offre des espace où s’épanouir dans sa spécificité ». Ainsi, il n’oublie jamais de consacrer un moment « pour demander à chaque jeune comment ils va ». Pour une Eglise militanteLoin d’appartenir à cette sorte de pasteurs qui cachent leur Bible au fond de la bibliothèque, « Jean-Mi » ne voit aucune difficulté à être proche des préoccupations de la jeunesse tout en affirmant sa foi et son appartenance. « Je suis pour une Eglise militante. Et je n’aime pas trop ceux que l’on ne voit jamais et qui ne cessent de critiquer. Si l’on veut que les choses avancent, il faut s’engager ».

Même si le succès est pour l’heure au rendez-vous, il sait qu’il ne changera ni le monde ni l’institution. « Ma seule ambition est d’essayer d’apporter aux ados ce qui m’a permis de tenir le coup quand j’avais leur âge. Une espérance, une raison d’avancer. S’ils ont du plaisir, s’ils trouvent une écoute, ils garderont le souvenir d’une Eglise où les gens sont là avec leur coeur. Et si parmi eux il y en a deux ou trois qui s’engagent, c’est déjà pas mal ».