Pasteurs urgentistes auprès des gens en détresse: Une forme d'aumônerie de plus en plus attendue

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Pasteurs urgentistes auprès des gens en détresse: Une forme d'aumônerie de plus en plus attendue

16 février 2005
Apparue il y a quelques années, l’aumônerie en cas d’urgence et de catastrophe accompagne des gens plongés subitement dans la détresse et épaule les services d’urgence (police, gendarmerie, ambulanciers, pompiers et hôpitaux)
« C’est aussi sur ce terrain et dans ce type de disponibilité immédiate qu’on attend véritablement l’Eglise » , constatent trois pasteurs urgentistes, Pierre Bader dans l’Est vaudois, Alain Martin à Morges et Pierre-André Kuchen à Tavannes.« Les unités de secours nous appellent souvent lors d’un suicide, d’un homicide ou d’une mort violente accidentelle, pour accompagner les proches d’une victime, mais aussi pour intervenir dans un conflit familial aigu qui met en danger des enfants, lorsqu’un particulier est pris d’une violente crise d’angoisse ou même pour accompagner un mourant », explique Pierre Bader. L’équipe œcuménique que le pasteur de la paroisse de Corsier-Corseaux a constituée il y a trois ans dans l’Est vaudois, est formée de prêtres, de pasteurs, de diacres mais aussi de deux psychologues et d’un laïc, engagés dans l’Eglise. Elle est intervenue une cinquantaine de fois depuis ses débuts. De quoi se rendre compte que ce type d’aumônerie correspond à un besoin et que c’est sur ce terrain-là que la population attend de l’Eglise une présence et une grande disponibilité.

« Nous sommes confrontés à des histoires dramatiques, parfois compliquées, nous rencontrons les gens dans des moments de crise qui font peur. Nous offrons un soutien dans l’urgence, et une présence, sans faire aucun prosélytisme et en se gardant de tout jugement, comme le précise la charte de déontologie à laquelle nous avons souscrit. Nous sommes présents aux côtés des personnes plongées dans la détresse ou en pleine panique, nous cherchons à les aider, souvent de façon pratique, à émerger du traumatisme qu’elles viennent de subir et de ne pas se laisser submerger par leurs émotions, à « atterrir » doucement. Nous sommes souvent des témoins muets. Nous disons, sans mots, la présence de Dieu ». A la rencontre de l'autre « Face à l’irruption de la souffrance, du doute, de l’horreur, témoigne Pierre-André Kuchen, responsable de l’équipe d’urgentistes du Jura bernois, la solidarité doit pouvoir trouver des chemins efficaces et empreints de compassion. En vivant ce genre d’expériences, j’ai découvert qu’à un moment donné, la souffrance traversée demande à chacun de donner le meilleur de lui-même pour trouver des pistes pour que la vie puisse continuer. Au-delà des compétences que les six responsables régionaux de l’aumônerie d’urgence ont acquises en même temps qu'une trentaine de membres de la police bernoise, il y a ce dénominateur commun à tout être humain qui le pousse à s’investir personnellement pour « être avec », en empathie avec la personne qui souffre, ce qui est à mes yeux tout simplement essentiel. Au travers de nombreuses interventions, j’ai partagé des réalités douloureuses avec des hommes et des femmes, des policiers et des ambulanciers, tous interpellés par les dimensions du mal et de la souffrance. Ce type d’expérience invite chacun à réfléchir à ses propres valeurs intérieures, à redécouvrir au cœur de notre humanité le cœur de l’Evangile : « Aime ton prochain comme toi-même », afin d’aller véritablement à la rencontre de l’autre dans toute situation ».Mettre des mots sur ce qui nous arrive Alain Martin, aumônier pour les hôpitaux de Morges et d’Aubonne, a choisi, lui aussi, de se former à l’aumônerie d’urgence. Il se dit intimement convaincu de la pertinence d’une telle présence auprès de gens traumatisés, lui-même ayant été l’objet, à 21 ans, d’une agression à main armée et d’une prise en otage dont il a mis longtemps à se remettre. A l’époque, il n’y avait pas d’accompagnement ad hoc. « Si j’avais pu, après ce choc, parler avec des gens compétents, cela m’aurait sans doute permis de me sentir moins largué, moins en dehors de la réalité », explique-t-il, aujourd’hui, il est essentiel de pouvoir mettre des mots sur ce qui est vécu, et de retrouver un peu d’humanité ». Si chacun a des ressources insoupçonnées pour survivre et surmonter des épreuves, et cela à des degrés divers, comme le précise Alain Martin, ilest important à un moment donné se sentir accompagné, compris et entouré de la part non seulement de ses proches mais de personnes compétentes, pour ne pas perdre pied en plein choc."