Comprendre les musulmans plutôt que l’islam

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Comprendre les musulmans plutôt que l’islam

24 novembre 2004
A Lausanne, l’association Appartenances propose trois soirées de formation à l’intention des professionnels en contact avec la diversité musulmane présente en Suisse
Avec une approche plus sociologique et culturelle des musulmans et de leurs façons de vivre leur foi, que purement religieuse. Connaître l'islam, c’est bien. Comprendre la diversité des musulmans, c’est encore mieux, surtout lorsque l’on se trouve en contact direct avec une réalité aussi diverse. Car, à proprement parler, il n’existe pas en Suisse de communauté musulmane partageant les mêmes valeurs et les mêmes coutumes ; on a affaire à une grande variété de comportements individuels.

Début décembre, l’association lausannoise Appartenances ( voir encadré) proposera aux professionnels du monde social, médical et de la sphère éducative un cours pour mieux appréhender cette hétérogénéité. « Même si je suis moi-même musulman, ce qui me paraît important pour évoquer un islam vécu, mon approche ne sera pas avant tout théologique, mais culturelle et sociologique », explique l’enseignant, Abdelhak Elghezanoui.

Comme ses collègues d’Appartenance, ce psychologue de formation a constaté l’importance des questions et des étonnements soulevés par la présence musulmane. « On parle des musulmans, c’est-à-dire d’une population hétéroclite en provenance d’une région du monde qui va du Maroc à la Chine ». Soit une très grande variété de cultures, de fonctionnements sociaux et de régimes politiques. « On ne peut pas considérer comme une réalité unique un régime théocratique comme l’Iran, celui des Etats sécularisés comme l’Irak et la Syrie, ou encore celui d’anciennes régions socialistes comme l’Albanie ou le Khazakstan. Parfois l’islam est un modèle très ancien, parfois il a violemment fait irruption dans la vie publique, comme récemment en Algérie ». Le vécu plutôt que les textesAutant d’éléments qui influencent la manière dont sera vécuecette religion en Suisse. Selon Abdelhak Elghezouani, ce que la sociologie nomme des déterminations internes ou externes ne sont pas suffisamment prises en compte. Ainsi, "pour combattre certains préjugés ou lever des incompréhensions, il serait peut-être plus fécond d’attirer l’attention sur le vécu des gens », de réfléchir à la manière dont ils pratiquent des préceptes religieux, plutôt que de détailler ces derniers. « Il existe beaucoup de cours sur le Coran ou l’histoire de l’islam. Mais pas grand-chose sur les constructions identitaires individuelles ou collectives des croyants immigrés », regrette l’enseignant. Ainsi, il n’est pas inutile de se rappeler que dans notre pays, les trois quarts des musulmans ou déclarés tels, soit environ 300'000 personnes, sont d’origine européenne. Très minoritaire, l’immigration d’origine arabe est plutôt intellectuelle et universitaire, alors que la main-d’oeuvre en provenance d’ex Yougoslavie – qui représente à elle seule plus de la moitié des musulmans de Suisse - est davantage ouvrière. De plus, une minorité seulement des gens venant des Balkans est pratiquante.

Ces trois soirées permettront de présenter les différentes vagues migratoires. « Contrairement à la France, l’immigration musulmane est assez récente en Suisse, ce qui explique en partie l’absence de chiffres et d’études la concernant ». Enfin, Abdelhak Elghezouani profitera de sa propre pratique de psychologue pour aborder un aspect psychosociologique : « Des grilles de lecture ont été développées pour rendre compte des différentes manières de vivre sa foi suivant son appartenance sociale et son caractère ».

Entre le partage d’expérience, la proposition de modèles explicatifs et la formulation d’hypothèses, ce parcours se veut avant tout utile : « Le but est que chacun acquiert un certain nombre d’outils pour mieux appréhender une réalité multiple », dont l’actualité nous apprend chaque jour son aspect incontournable.