Noëlle Châtelet raconte la mort choisie et annoncée de sa mèreL'impossible leçon du deuil par avance
10 septembre 2004
« Je suis fatiguée ». A 92 ans, Mireille Jospin, mère de Lionel Jospin, ancien Premier ministre français, n’en peut plus
Elle craint par-dessus tout de devenir une charge et de perdre tout contrôle sur sa vie. Elle refuse de subir l’extrême vieillesse. Alors elle arrête une date, celle de sa mort. Sa fille, l’écrivain Noëlle Châtelet, dûment préparée à ce geste, s’affole. Une mort annoncée est-elle vivable pour l'entourage ? Récit. Liée à sa mère par une relation riche et fusionnelle, l’écrivain Noëlle Châtelet supporte mal le compte à rebours qui lui est imposé par sa mère, cette préparation au deuil « par avance ». Peut-on vraiment se préparer à la mort volontaire de ceux qu’on aime ? Dans son récit, « La dernière leçon », l’écrivain répond à sa façon. A l’annonce de la date arrêtée par sa mère, la fille se rebelle. « C’est dans l’ordre des choses », lui rappelle sa mère à propos de la mort qu’elle a choisi de se donner. La fille a tant vu sa mère invincible qu’elle a fini par la croire immortelle. Comprendre une mort volontaire pour cause de grand âge est une attitude intellectuelle et philosophique généreuse; mais faire face aux émotions et à la révolte qui vous submergent, c’est une toute autre paire de manches. Noëlle Châtelet dit être sortie mûrie de ce deuil annoncé, et plus sereine : « Il arrive que le choix de la mort soit un hymne à la vie ». Mireille Jospin est morte seule le 5 décembre 2002, comme elle l’avait voulu. Ce moment-là, crucial, est tu dans le livre, puisque la fille en était absente. Il y a comme un malaise qui naît de ce silence, de ce vide, de cette solitude devinée, imaginée, de l’absence de la main qui accompagne celle qui meurt.
Après le choc de l’annonce, Noëlle Châtelet raconte cette mère, sage-femme de métier, dont l’excentricité et l’indépendance l’ont éblouie. Elle dit leurs « emboîtements », leur « posture gigogne ». Elle raconte comment sa mère a tout planifié, jusqu’à ses faire-part dont elle a soigneusement rédigé les adresses. Ultime contrôle sur sa vie, mais aussi sur celle des autres.
« C’est elle qui m’a accompagnée, pas l’inverse, écrit Noëlle Châtelet, elle m’a appris sa mort, avec la même attention, la même fermeté, la même exigence que je lui ai toujours connues. Elle m’a appris comment une mère et une fille doivent se quitter ».
Au-delà de la réflexion que ce livre induit forcément sur le « mourir dans la dignité », sur le travail de deuil, sur l’accompagnement des mourants, c’est l’histoire singulière, mais aussi singulièrement familière, de l’attachement d’une mère et de sa fille, qui peut, quand il n’est pas aussi exemplaire que celui qui nous est conté, se muer en aliénation, en effacement de l’une par rapport à l’autre. Mais là n’était pas le sujet de l’auteur. Quoique…Noëlle Châtelet, "La dernière leçon », récit, 171 pages, sept. 2004, éd. Du Seuil.
Après le choc de l’annonce, Noëlle Châtelet raconte cette mère, sage-femme de métier, dont l’excentricité et l’indépendance l’ont éblouie. Elle dit leurs « emboîtements », leur « posture gigogne ». Elle raconte comment sa mère a tout planifié, jusqu’à ses faire-part dont elle a soigneusement rédigé les adresses. Ultime contrôle sur sa vie, mais aussi sur celle des autres.
« C’est elle qui m’a accompagnée, pas l’inverse, écrit Noëlle Châtelet, elle m’a appris sa mort, avec la même attention, la même fermeté, la même exigence que je lui ai toujours connues. Elle m’a appris comment une mère et une fille doivent se quitter ».
Au-delà de la réflexion que ce livre induit forcément sur le « mourir dans la dignité », sur le travail de deuil, sur l’accompagnement des mourants, c’est l’histoire singulière, mais aussi singulièrement familière, de l’attachement d’une mère et de sa fille, qui peut, quand il n’est pas aussi exemplaire que celui qui nous est conté, se muer en aliénation, en effacement de l’une par rapport à l’autre. Mais là n’était pas le sujet de l’auteur. Quoique…Noëlle Châtelet, "La dernière leçon », récit, 171 pages, sept. 2004, éd. Du Seuil.