Le Seigneur et les anneaux

légende / crédit photo
i
[pas de légende]

Le Seigneur et les anneaux

29 juillet 2004
Le message de l’Evangile s’adresse aux âmes plutôt qu’aux corps
Un pasteur peut-il pour autant cultiver un grand méchant look ? Et jusqu’au doit-il se plier aux conventions d’apparence ? Petit exemple : la boucle d’oreille. L’habit fait-il le pasteur ? La question du look ne figure pas parmi les exigences des commissions de consécration. Il faut dire qu’hormis ceux qui s’engagent dans des ministères très spécifiques, les ministres réformés romands cultivent plutôt une allure sobre et classique. Les excentricités demeurent l’exception. Alors les pasteurs peuvent-ils, par exemple, porter une boucle d’oreille ou un piercing ? Inattendue, l’interrogation a surgi sur le site Web mis en place par les Eglises romandes, Questiondieu.com. Celui ou celle qui l’a déposée anonymement reliait cette question avec le fait qu’un pasteur doit être « un guide pour les fidèles ».

Parmi les ministres jouant le rôle de répondants, c’est le Neuchâtelois David Allison qui a décidé d’y répondre. « D’un point de vue biblique, j’ai expliqué que Jésus se moquait des apparences, pour lui comme pour les autres. Que, comme le rappelle l’épisode avec la femme samaritaine, le Christ accueillait l’autre dans un esprit de totale liberté par rapport aux conventions ».

L’intervention de ce jeune pasteur de 34 ans n’était pas totalement fortuite, puisqu’il arbore un anneau - dont la taille varie - et un petit clou sur le même lobe. « je le fais par pure volonté esthétique depuis mon adolescence ». En poste à la Chaux-de-Fonds, il reconnaît que si plus personne n’y prête attention aujourd’hui, ces bijoux ont tout de même suscité l'étonnement et quelque remarques au début de son ministère. « Peut-être parce que mon stage s’est déroulé dans l’environnement plus cossu de la paroisse d’Hauterive –St-Blaise ».Nécessaire respect des conventions

Au delà de l’anecdote se retrouve peut-être une réflexion sur le rôle social joué par un homme d’Eglise et sur la nécessité ou non pour lui de se conformer aux conventions vestimentaires. David Allison : « Il est évident qu’il existe un lien entre la tenue que l’on porte et les contacts que l’on aimerait nouer avec les gens. Même si cela se joue davantage au niveau de la relation humaine, on ne peut pas totalement ignorer l’impact que produirait notamment un look particulièrement agressif ». La boucle d’oreille, elle, n’entre pas dans ce cas de figure, puisque elle est largement répandue : « Elle ne représente plus du tout un signe de marginalisation ». Le tatouage non plus, mais peut-on imaginer un ministre couvert de dessins corporels ? « Notre métier demande un certain respect des conventions. J’imagine donc mal un pasteur qui déciderait de choquer volontairement ».

A quelques kilomètres de là, Phil Baker a fait son choix : il a renoncé à son son anneau à chaque oreille, de même qu'à ses cheveux longs. « Arrivé à la quarantaine, je trouvais que ça devenait un peu ridicule », sourit ce ministre en poste au Val-de-Ruz. « L’apparence me semble effectivement secondaire au sein d’une communauté de croyants qui vous connaît. En revanche, notre mission consiste aussi à faire connaître l’Evangile, à pratiquer des actes ecclésiastiques pour la population. Cela me paraît exiger une certaine retenue ». Bref, l’apparence ne doit pas constituer une barrière qui empêcherait les cœurs de s’ouvrir. Encore faut-il parfois s’adapter à son environnement professionnel. Ainsi, un aumônier de prison ou travaillant dans la rue devra peut-être adapter sa tenue. A Phil Baker le mot de la fin : « Le message de l’Evangile est fondamentalement subversif. Avec les années, il m’apparaît qu’il passe mieux avec un look traditionnel ».