La richesse doit faire sens

François Dermange, professeur d'éthique à l'UNIGE / © DR
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François Dermange, professeur d'éthique à l'UNIGE
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La richesse doit faire sens

Éthique
Un protestant a conscience de sa responsabilité. François Dermange, professeur d’éthique à l’Université de Genève, revient sur les liens entre la théologie et la philanthropie, notamment à Genève.

«La tradition réformée n’a plus vu dans le pauvre une icône du Christ, ou un ‹portier du ciel› intercédant pour le riche en échange de l’aumône reçue. Le pauvre était un pauvre et donner risquait d’entretenir seulement la pauvreté. La Réforme a souvent interdit la mendicité, donnant l’obligation à la collectivité d’offrir du travail. On ne doit pas idéaliser le modèle, qui s’est parfois montré coercitif, mais il s’est montré assez efficace.»

Richesse utile aux autres

«Quand nous pensons au ‹corps social›, nous le voyons composé de parties égales. Or selon Calvin, nous ne sommes pas égaux en richesse, en intelligence, en éducation ou en talents. Dans ce corps, où nous recevons notre vie des autres et la leur donnons, plus on a reçu, plus il nous sera demandé (Lc 12, 48). Cela, même les païens l’ont compris. La philanthropie est d’abord cette humanité (Ac 27,2 ; 28,3). Le chrétien lui donne encore un autre sens, prenant exemple sur celle de Dieu (Tite 3,4).»

Donner à une institution, non à l'Église

«Au moment de la Réformation, tous les biens de l’ancienne Église ont été donnés aux œuvres pour les malades et les démunis. L’idée en est longtemps restée. Plutôt que de donner à l’Église pour des dépenses somptuaires, ou au pauvre ‹main dans la main›, on a préféré donner à des institutions qui feraient usage de cet argent avec professionnalisme. Certaines de ces institutions subsistent, comme l’Hospice général à Genève, fondé en 1535.»

Ne pas être esclave de l’argent

«Calvin en était convaincu. Mieux vaudrait ne pas être riche, vivre simplement et se contenter de peu. Mais si la richesse nous est donnée, on ne doit pas la refuser, car dangereuse et illusoire pour soi, elle peut être utile aux autres. C’est pour eux qu’il faut l’accepter, la gérer, la mettre à leur service. Ainsi le riche n’est jamais vraiment le propriétaire de ses biens, il en est le dépositaire et le gérant pour les autres.»

A chaque famille sa cause

«Longtemps, chaque grande famille protestante avait sa cause: abolition de la peine de mort, soutien à la guerre d’indépendance de la Grèce, lutte contre le travail dominical… Les industriels du textile mulhousien ont obtenu l’interdiction du travail des enfants, ce qui ménageait leurs intérêts: renoncer unilatéralement au travail des enfants aurait profité à leurs concurrents, catholiques, du Nord de la France. Ils ont ainsi fait un travail formidable qui a posé les bases du futur Bureau international du travail.»

Des pionniers indispensables

«Au XXe siècle, bien des oeuvres philanthropiques ont été reprises par l’État. Néanmoins la philanthropie garde une place essentielle. Discrète, plus professionnelle, à l’écoute de ses bénéficiaires, elle est attentive à des besoins qui ne sont pas ou sont mal pris en charge. Par exemple, offrir un service de consultation conjugale et familiale pour des gens qui n’en auraient pas les moyens, ou avoir l’idée d’une vraie formation dans les camps de réfugiés. Un mécène protestant a ainsi mis toute son énergie et son réseau pour soutenir la formation des musulmans en Suisse en vue de faciliter leur intégration. Les philanthropes d’aujourd’hui sont des veilleurs. Comme les Rois mages, ils savent voir ce qui naît et ce qui grandit; ils ont le courage de suivre leur étoile et la générosité de partager leurs trésors.»

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