Les ambiguïtés du volontourisme 

© DR
i
© DR

Les ambiguïtés du volontourisme 

Voyager en donnant de sa personne? Une belle idée, mais qui peut contribuer à renforcer des stéréotypes, explique Melissa Girardet anthropologue, et autrice d’un livre sur le sujet.

Comment définir le volontariat touristique?

M.G : D’un point de vue scientifique, ce néologisme désigne des pratiques à l’étranger: un séjour d’une certaine durée au sein d’un projet de développement ou communautaire, voire une visite de tels projets pour en devenir donateur.

Pourquoi pratique-t-on le volontourisme?

Lors de mon enquête sur le sujet, la motivation principale avancée par les personnes interrogées était de faire des vacances utiles, consommer différemment que par le tourisme de masse. En analysant les propos, on se rend cependant compte que le volontourisme reste une consommation de l’«ailleurs.» Étant généralement pratiqué dans les zones rurales, il est perçu comme le lien avec «l’authenticité» d’un pays. Ce qui pose la question de ce qui est le propre d’une culture donnée… Enfin, on réalise que ce n’est pas tant le projet qui motive les volontouristes mais le pays où il a lieu, le voyage. Par bien des aspects, le volontourisme contient toujours la recherche d’un dépaysement, d’un exotisme.

En cela, ne contribue-t-il pas à entretenir un certain néocolonialisme?

On ne peut pas utiliser brutalement cette notion. Ce qui est important à prendre en compte, c’est que ces voyages s’ancrent dans une idée d’aide humanitaire ou au développement. Les gens qui font ce type d’expérience veulent aider l’autre, et ont une représentation duale du monde: les privilégiés du nord, versus les pauvres du Sud, qui ne peuvent pas s’en sortir sans aide de l’Occident. On entretient donc l’idée du «grand partage» entre un Nord et un Sud, des riches et des pauvres. Or il y a aussi du volontourisme au sein des pays asiatiques.

Existe-t-il du volontourisme en Suisse? Le bénévolat dans des fermes par exemple?

On ne peut pas parler de volontourisme en Suisse, puisqu’il implique tout cet imaginaire lié au développement. Cependant, y-a-t-il une différence entre un projet de développement au Ghana, avec des cours de sensibilisation à l’hygiène féminine et un projet similaire dans des écoles des Grisons? Ici, c’est de l’action sociale, au Ghana, un projet de développement… Dans le volontourisme, on paye tout ce qu’on coûte, on est logé par une famille locale, nourri avec le reste du groupe de volontaires. Il peut y avoir des parallèles avec le bénévolat dans une ferme. Mais lorsque je demandais aux personnes interrogées si elles imaginaient faire la même chose en Suisse, elles répondaient par la négative. Et celles qui étaient bénévoles ici… ne voyaient pas le rapport avec leur implication à l’étranger.

Propos recueillis par C.A

Volontourisme : Voyager éthiquement, s’engager touristiquement, Mélissa Girardet, Institut d’ethnologie, Université de Neuchâtel, 2019

Comment allier tourisme et bénévolat en Suisse ?

• En aidant les paysans de montagne, avec Caritas: www.montagnards.ch/fr/home.html

• En préservant la biodiversité aux côtés du WWF Suisse: freiwilligenportal.wwf.ch/home

• En participant à l’entretien des réserves naturelles avec Pronatura: www.pronatura.ch/fr/engagement-benevole

• En restaurant des biotopes avec la Fondation Actions Environnement: www.umwelteinsatz.ch

• En donnant un coup de main à des fermes, cafés ou élevages d’alpages listés sur la centrale de réservation pour le tourisme suisse: https://switzerlandtravelcentre.com

• En faisant du volontariat dans les parcs naturels suisses: https://www.parks.swiss