Quand le « mega size » touche les Eglises américaines

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Quand le « mega size » touche les Eglises américaines

18 octobre 2004
Les « mega churches » sont un phénomène de société aux Etats-Unis
Après les grosses voitures, les autoroutes à 8 pistes, les immenses centres commerciaux, voici les « méga-églises ». Ces communautés chrétiennes accueillent plus de 10'000 personnes chaque week-end pour leurs services religieux. Visite de la « Willow Creek Community Church », un de ces lieux de spiritualité à South-Barrington, dans la banlieue de Chicago par notre envoyé spécial.

« Dieu ne s’est réveillé qu’à 7h30 ce matin ! » Marti Lansu ne manque pas une occasion pour placer la remarque qui fait sourire. Cette psychologue dans la cinquantaine détaille le programme qu’offre en ce samedi la « Willow Creek Community Church » de Barrington, dans la banlieue ouest de Chicago. Elle est accoudée à l’une des bornes informatiques du hall d’entrée de cette « méga-église ». Avec ses escaliers roulants, ses jeux d’eau, son bar à café, son restaurant… on se croirait dans un hall d’embarquement d’aéroport.

A 7h30 effectivement, une équipe de manuels se retrouve pour donner un coup de main aux personnes de la région qui ont besoin de leurs compétences. A 8h30, c’est un cours de préparation au mariage. A 9h30, un groupe de soutien aux personnes atteintes d’un cancer… A 17h30, une quinzaine d’activités pour les enfants. Et à 17h30 une rencontre publique intitulée « Un éléphant dans la chambre à coucher »… En tout, plus d’une cinquantaine d’activités proposées en ce samedi par cette Eglise évangélique d’une banlieue « classe moyenne » de Chicago.

Plus de 20'000 personnes au culte chaque semaine

« Chaque fin de semaine, plus de 20'000 personnes participent aux activités de notre communauté chrétienne», relève Marti Lansu, qui fréquente Willow Creek depuis 29 ans, soit presque depuis les débuts. Un nouvel amphithéâtre de 7'300 places assises, le plus grand de la région de Chicago, a été inauguré en septembre dernier. Il remplace un autre amphithéâtre de plus de 4'000 places qui reste sur ce campus et sert aux jeunes de cette Eglise. Pour ce nouvel auditorium, on n’a pas lésiné sur les dépenses. L’auditorium a tout d’une excellente salle de concert dotée de balcons, avec même sur l’arrière de gros écrans TV plats, adossés aux derniers sièges, pour permettre aux personnes en chaise roulante ou malvoyantes d’assister à l’ensemble du service religieux.

3 rencontres identiques ont lieu chaque fin de semaine. Une le samedi soir et deux le dimanche matin. « La particularité de notre Eglise, explique Marti Lansu, c’est que, depuis sa création, nos rencontres du week-end sont conçues pour les personnes en quête de spiritualité. » D’où des programmes bien léchés, sans jargon d’initiés et conçus par des professionnels très affûtés. « Je ne sais pas si les Eglises fonctionnent comme cela en Europe, lance Marti Lansu, mais avec un titre comme « Un éléphant dans la chambre à coucher », on devrait certainement parler de sexe aujourd’hui ».

Un éléphant dans la chambre à coucher

Le service commence. La salle n’est pas pleine, mais plus de 4'000 personnes assistent au service. Une chanson ouvre la rencontre, puis vient une série d’interviews projetés sur deux écrans géants, des deux côtés de la scène. Des jeunes et moins jeunes, rencontrés dans les rues de Chicago, expriment leur conception de l’idylle romantique. Les images sont excellentes et la réalisation digne de tous les micro-trottoirs diffusés sur les chaînes de TV européennes. Le pasteur principal de Willow Creek, Bill Hybels effectue une série d’annonces sur la vie communautaire, puis introduit la collecte à laquelle seuls les membres de cette Eglise sont invités à participer. Une pièce de théâtre, d’une quinzaine de minutes, présente ensuite une scène conjugale qui se termine par une rupture. Les deux acteurs sont manifestement des professionnels. Puis vient le dernier élément de cette rencontre : la prédication d’une quarantaine de minutes d’un autre pasteur de cette Eglise, Gene Appel.

Après avoir expliqué les différences de psychologie entre la femme et l’homme en matière de sexualité, Gene Appel propose un inventaire de ce qui peut nuire à la vie de couple : le manque de communication, les abus dont l’un ou l’autre conjoint aurait pu être victime, les infidélités. Il invite ensuite à recourir aux différents services proposés par son Eglise, pour mieux gérer ces « éléphants dans la chambre à coucher » qui peuvent lester la vie conjugale.

« Les personnes qui assistent à nos cultes sont sensibles à la diversité des activités que nous proposons, explique Bill Hybels, le pasteur principal. Certaines viennent pour les activités avec les enfants, d’autres pour ce qui est proposé pour les ados ou les jeunes, d’autres encore pour l’accompagnement que nous proposons aux couples ou aux divorcés».

Du point de vue politique, la « Willow Creek Community Church » tient à rester en dehors des débats. Même si Bill Hybels a été le conseiller spirituel de Bill Clinton, pendant ses années de présidence, et qu’il l’a invité à une rencontre de formation pour responsables d’Eglise, ce pasteur se défend de faire de la politique. Il situe son Eglise au centre de l’échiquier évangélique et récuse tout lien avec les ténors de la droite religieuse que sont Pat Robertson ou Jerry Falwell. « Par rapport à la présidentielle du 2 novembre, nous encourageons nos membres, ajoute Bill Hybels, à regarder l’ensemble du programme politique des candidats avant de glisser leur bulletin dans l’urne. » Un indice de méfiance à l’endroit d’un unanimisme des évangéliques qui voteront en grand nombre George W. Bush à cause de son refus de l’avortement et du mariage homosexuel.