Rock chrétien à l'Arena:Des décibels au service de l’Evangile

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Rock chrétien à l'Arena:Des décibels au service de l’Evangile

20 octobre 2004
Même si sa diffusion reste confidentielle chez nous, la musique chrétienne existe aussi en Suisse romande
Alors que le groupe Exo envahira le 31 octobre prochain l’Arena, éclairage sur un univers souvent ignoré du grand public.

Le 31 octobre prochain, l’Arena accueillera un concert pas tout à fait comme les autres. D’abord, et c’est une première, parce que l’entrée y sera gratuite. Mais surtout parce qu’il s’agira d’un concert de louange par le groupe franco-belge Exo. Autant dire que ce soir-là, le public de la salle genevoise sera essentiellement composé de chrétiens.

Look branché tendance hardcore, le Lausannois P-E* s’occupe de l'organisation de la manifestation "pour un client genevois qui désirait faire venir Exo ». Travaillant dans la finance, ce pasteur-adjoint était prêt à laisser un peu d’argent dans l’aventure. Depuis le début de l’année, « Pep » travaille à son compte pour la société qu’il a créée baptisée « Boost Management ». Il œuvre à la fois comme organisateur prestataire pour la mise en place d’événements et comme agent de sept groupes et artistes francophones. Les services offerts se veulent « avant tout pros ». Cette agence fait pourtant figure d’exception dans le monde de la musique. « Je ne m’occupe que de groupes ou de chanteurs chrétiens. Au début, je le faisais bénévolement avec mon épouse et un ami. Puis j’ai décidé de me lancer et de devenir indépendant », explique ce jeune de vingt-six ans qui gravite depuis toujours dans les milieux artistiques. Ce fut donc un « acte de foi » avant de devenir un « business ». Pep a d’ailleurs tourné avec le défunt groupe romand Bad Little Duck comme bassiste pendant trois ans.

Anglo-saxons d’abord

Loin des chiffres américains, où certains noms comme le crooner Michael W. Smith et les rockers de Delirious vendent des millions d’albums, la musique dite chrétienne existe bel et bien dans notre pays. La Suisse romande compte d’ailleurs un label dédié (Ugly Records, dans la région lausannoise) avec ses vedettes régionales, à l’instar du vaudois Sylvain Freymond, l’un des rares à en vivre. « Avec des copains, on a tenté il y a vingt ans de faire venir des artistes, à l’époque essentiellement anglo-saxons ». Les habitants de Rolle se souviennent, par exemple, quze dans les années 8o, il y eu plusieurs éditions d'un « Festival chrétien » au pied du château .

Née dans les milieux évangéliques du renouvellement de la louange (lire encadré), la musique chrétienne moderne est rapidement sortie des lieux de culte pour s'installer dans les salons avec ses têtes d’affiches, ses maisons de production et ses circuits de distribution. « Au début des années 80, ces artistes ont commencé à obtenir un joli succès au sein des communautés évangéliques et réformées, notamment à travers les groupes de jeunes », se souvient Sylvain Freymond. Professeur de musique, auteur lui-même de plusieurs disques en groupe ou en solo, il s’occupe également du secteur musical de Jeunesse en Mission (JEM). « On peut distinguer deux grandes tendances, explique-t-il, d'une part il y a la musique de louange, très moderne par rapport aux cantiques, mais qui reste classique dans sa forme en tant qu’expression communautaire, d'autre part, une série de musiciens, qualifiés de musiciens chrétiens parce qu’ils choisissent de témoigner de leur foi à travers leurs créations ».

Certains se produisent uniquement devant un public composé de jeunes croyants. D’autres tentent d’évoluer dans le showbiz séculier sans y perdre leur âme. Exemple frappant, celui de POD, groupe chrétien de rapcore (un mélange de rap et de métal), qui a joué en première partie du très glauque Marylin Manson; ou encore Demon Hunter qui a été choisi pour écrire la musique du dernier Resident Evil, célébrissime jeu vidéo où l’on « dégomme » des morts vivants à coups de fusil de chasse . « Ils sont très critiqués, pourtant leur engagement et leurs textes n’ont pas changé, pour l'un comme pour l'autre », plaide P-E. Ces deux catégories demeurent perméables, certains groupes passant de l’une à l’autre. Exo, en revanche, appartient clairement à la louange. Dans la seconde famille, les stars actuelles demeurent - comme dans l’industrie musicale en général - anglo-saxonnes, et se nomment Rebecca St-James (pop-dance) ou Disciple (metal). Le distributeur spécialisé Sam Music gère depuis Aubonne un catalogue de plus de 1'500 références en langue française. P-E ajoute à ce catalogue fourni l’un de ses poulains, la formation bruxelloise Jackwell, qui bénéficie d’une quasi exclusivité dans le domaine de la hip-hop. En matière de styles, la palette est donc large. « On trouve même des formations hardcore à l’instar de Living Sacrifice ». De même, on voit désormais apparaître des groupes issus du monde catholique, comme Aquero dans le nord de la France et Push à Genève.

Pas chez les disquaires

Bien sûr, les chiffres de vente en Suisse demeurent confidentiels. « Les meilleurs titres s’écoulent à quelques centaines d’exemplaires chez nous », précise Nadine Terraz à Sam Music. Dans une quinzaine de jours, si le nouvel album de Michael W. Smith va dépasser sans doute le disque d’or Outre Atlantique, il tutoiera à peine le millier d’unités en Romandie. Pourtant, du point de vue technique et de la qualité musicale, la production chrétienne n’a pas à rougir de la concurrence. « Mais les tentatives d’une distribution par les canaux grand public ont toujours échoué », explique Sylvain Freymond. Chassée des bacs, cette musique se vend donc de bouche à oreille, via Internet et quelques librairies spécialisées. « De même, il reste difficile d’entrer dans la programmation d’un club ou d’un festival non chrétien, parce que les responsables ont souvent peur de ne trouver aucun public pour ces musiciens engagés ». Reste la location. A part quelques coups d’éclat, comme la location du Casino de Montreux il y a une décennie pour le groupe Petra, ou celle, récente, de la salle Paderewski pour un groupe de gospel, toujours populaire, les tournées passent le plus souvent par de petites salles peu prestigieuses. Même gratuite, la venue d’Exo dans un lieu aussi célèbre que l’Arena constitue donc une belle exception.

* En application du principe du droit à l’oubli, un nom a été supprimé de cet article.