Esprit de Noël, es-tu là ?
15 décembre 2004
L’esprit de Noël, c’est quoi ? Dans la foire actuelle aux cadeaux et aux bons sentiments, on a parfois perdu de vue le message de la Nativité
Regards croisés sur le sens profond - et renversant! - de la fête. « Noël, ça renverse la perspective : Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne véritablement humain, qu’il devienne Dieu ! » Ce message « renversant », Virgile Rochat, aumônier à l’Université de Lausanne, tient à le transmettre toute l’année aux jeunes qu’il côtoie et avec lesquels il organise des retraites ; mais à Noël tout particulièrement, il tient à en expliquer l’esprit et le sens profond, quand bien même dans son enfance, il ne fêtait pas Noël. « J’ai grandi à La Vallée de Joux dans un milieu darbyste qui combattait le « paganisme » de Noël et ne retenait pas le message de l’incarnation ». Aujourd’hui pasteur de l’Eglise réformée vaudoise, il s’attache à rappeler que le message de Jésus n’est pas un passeport pour l’au-delà, mais une Parole pour vivre.
Le sens profond de la fête s’est parfois un peu perdu, noyé par la vague de bons sentiments éphémères qui engluent Noël. Et pourtant le message originel, lui, n’est pas évanescent, estime Philippe Morel, pasteur à Echallens. « C’est le moment où le chrétien peut se montrer tel qu’il est, dans sa fragilité et sa faiblesse, car il est rejoint dans son humanité, reconnu tel qu’il est par la présence de Dieu qui s’est manifestée à travers Jésus ».La conteuse Alix Noble fait mémoire Pour remettre Noël à sa juste place, la conteuse Alix Noble fait tout un travail sur la mémoire et raconte au cours de ses veillées, la généalogie de Jésus, et tout ce qui annonce sa naissance : l’histoire de Ruth et de Noémie s’inscrit dans cette perspective, de même que celle d’Abraham, l’ancêtre commun aux trois monothéismes. De façon palpitante, elle rappelle que l’histoire de la crèche n’est pas sortie de nulle part ! Sylvie Dépraz, elle, a choisi la crèche comme point de ralliement pour tous ceux qui ont envie de prendre un temps pour méditer le message d’amour qui est au coeur de Noël. Elle a créé dans le temple d’Echallens une crèche géante où chaque soir, un personnage est apporté par un paroissien et fait l’objet d’une présentation. La veille de l’interview, on avait amené un chien et lu pour l’accompagner la prière des chiens d’aveugle. Une façon de se rappeler ceux qui souffrent, qui sont mis à l’écart, précarisés ou exclus.
Hélène Küng, aumônier au Centre d’enregistrement pour requérants d’asile de Vallorbe (CERA) connaît bien le contraste qu’il y a entre la fête censée rapprocher les gens et l’exacerbation de la réalité douloureuse de ceux qui souffrent, ravivée par les insolentes lumières de la fête. Hélène Küng dit avoir ressenti très tôt que « Dieu promet son Fils dans un monde tourmenté », selon la parole d’Esaïe. « Noël est pour moi un moment de tiraillement. Petite fille, je sentais déjà que si certains se réjouissaient, d’autres vivaient la fête comme un mauvais moment à passer. Le bonheur des uns s’opposait au malheur des autres ». Si Hélène Küng fête le Christ à Noël, c’est parce qu’Il nous apprend la résistance aux injustices et qu’Il se manifeste là où on s’y attend le moins ». Cette perspective est pour la pasteure un beau signe d’espoir. Elle passera la veillée de Noël au CERA, en compagnie des requérants d’asile et d’une poignée de bénévoles. Elle se partagera ensuite entre divers lieux, sans oublier sa famille où ce moment est toujours vécu comme « l’occasion d’accueillir quelqu’un, à l’image du Royaume de Dieu où tout le monde est invité ».
Pour le temps de Noël, la « liturgie familiale », comme l’appelle François Dermange, professeur d’éthique à la Faculté de théologie à Genève, est importante à bien des familles pour structurer la vie : elle est faite de mille et un préparatifs, la confection de la couronne de l’Avent et des biscuits, l’installation de la crèche et du sapin, que les petits, chez les Dermange, ne peuvent pas découvrir au salon avant le jour J. « Ce sont des souvenirs qui restent, quoi qu’il advienne, c’est une expérience de chaleur, d’intimité, de stabilité, jalonné par la musique de Bach, qui se répète d’année en année et qui sert de point fixe à chacun. Mon grand-père, qui était alsacien, il avait connu deux guerres, ce qui lui restait dans les moments désespérants, c’était Noël : le monde pouvait bien s’écrouler, l’espérance rappelée à chacun le 25 décembre, demeurait. Sans cette promesse et cet espoir, il n’aurait sans doute pas tenu ! »
Pour Pierre de Salis, responsable du service théologique de l’Eglise réformée neuchâteloise (EREN), le rituel familial a jalonné son enfance. « Nous allions chaque année dans une maison aux Grisons pour des retrouvailles en famille». Pendant ses nombreuses années en paroisse, il a privilégié la convivialité et le partage pendant les fêtes, sachant combien cette période peut être difficile à vivre, notamment pour ceux qui sont frappés par un deuil. Il a cherché à en faire un moment à part, hors du temps, pour rompre avec le quotidien. Un temps suspendu pour se retrouver soi-même et nourrir sa vie intérieure.
Le sens profond de la fête s’est parfois un peu perdu, noyé par la vague de bons sentiments éphémères qui engluent Noël. Et pourtant le message originel, lui, n’est pas évanescent, estime Philippe Morel, pasteur à Echallens. « C’est le moment où le chrétien peut se montrer tel qu’il est, dans sa fragilité et sa faiblesse, car il est rejoint dans son humanité, reconnu tel qu’il est par la présence de Dieu qui s’est manifestée à travers Jésus ».La conteuse Alix Noble fait mémoire Pour remettre Noël à sa juste place, la conteuse Alix Noble fait tout un travail sur la mémoire et raconte au cours de ses veillées, la généalogie de Jésus, et tout ce qui annonce sa naissance : l’histoire de Ruth et de Noémie s’inscrit dans cette perspective, de même que celle d’Abraham, l’ancêtre commun aux trois monothéismes. De façon palpitante, elle rappelle que l’histoire de la crèche n’est pas sortie de nulle part ! Sylvie Dépraz, elle, a choisi la crèche comme point de ralliement pour tous ceux qui ont envie de prendre un temps pour méditer le message d’amour qui est au coeur de Noël. Elle a créé dans le temple d’Echallens une crèche géante où chaque soir, un personnage est apporté par un paroissien et fait l’objet d’une présentation. La veille de l’interview, on avait amené un chien et lu pour l’accompagner la prière des chiens d’aveugle. Une façon de se rappeler ceux qui souffrent, qui sont mis à l’écart, précarisés ou exclus.
Hélène Küng, aumônier au Centre d’enregistrement pour requérants d’asile de Vallorbe (CERA) connaît bien le contraste qu’il y a entre la fête censée rapprocher les gens et l’exacerbation de la réalité douloureuse de ceux qui souffrent, ravivée par les insolentes lumières de la fête. Hélène Küng dit avoir ressenti très tôt que « Dieu promet son Fils dans un monde tourmenté », selon la parole d’Esaïe. « Noël est pour moi un moment de tiraillement. Petite fille, je sentais déjà que si certains se réjouissaient, d’autres vivaient la fête comme un mauvais moment à passer. Le bonheur des uns s’opposait au malheur des autres ». Si Hélène Küng fête le Christ à Noël, c’est parce qu’Il nous apprend la résistance aux injustices et qu’Il se manifeste là où on s’y attend le moins ». Cette perspective est pour la pasteure un beau signe d’espoir. Elle passera la veillée de Noël au CERA, en compagnie des requérants d’asile et d’une poignée de bénévoles. Elle se partagera ensuite entre divers lieux, sans oublier sa famille où ce moment est toujours vécu comme « l’occasion d’accueillir quelqu’un, à l’image du Royaume de Dieu où tout le monde est invité ».
Pour le temps de Noël, la « liturgie familiale », comme l’appelle François Dermange, professeur d’éthique à la Faculté de théologie à Genève, est importante à bien des familles pour structurer la vie : elle est faite de mille et un préparatifs, la confection de la couronne de l’Avent et des biscuits, l’installation de la crèche et du sapin, que les petits, chez les Dermange, ne peuvent pas découvrir au salon avant le jour J. « Ce sont des souvenirs qui restent, quoi qu’il advienne, c’est une expérience de chaleur, d’intimité, de stabilité, jalonné par la musique de Bach, qui se répète d’année en année et qui sert de point fixe à chacun. Mon grand-père, qui était alsacien, il avait connu deux guerres, ce qui lui restait dans les moments désespérants, c’était Noël : le monde pouvait bien s’écrouler, l’espérance rappelée à chacun le 25 décembre, demeurait. Sans cette promesse et cet espoir, il n’aurait sans doute pas tenu ! »
Pour Pierre de Salis, responsable du service théologique de l’Eglise réformée neuchâteloise (EREN), le rituel familial a jalonné son enfance. « Nous allions chaque année dans une maison aux Grisons pour des retrouvailles en famille». Pendant ses nombreuses années en paroisse, il a privilégié la convivialité et le partage pendant les fêtes, sachant combien cette période peut être difficile à vivre, notamment pour ceux qui sont frappés par un deuil. Il a cherché à en faire un moment à part, hors du temps, pour rompre avec le quotidien. Un temps suspendu pour se retrouver soi-même et nourrir sa vie intérieure.