L’imam et le pasteur, de la guerre à la paix
23 avril 2008
Anciens ennemis, le pasteur James Wuye et l’imam Muhammad Ashafa combattent ensemble pour la paix, dans leur pays d’origine le Nigeria, mais aussi dans le monde
A l’occasion de leur passage à Genève pour la présentation de « L’imam et le pasteur : de l’affrontement à l’engagement »* ils parlent de leur rencontre et de leur incroyable parcours depuis le temps de la milice jusqu’à celui de l’appel incessant au dialogue, qui remplit leur vie depuis plus de dix ans. Le pasteur James Wuye et l’imam Muhammad Ashafa tiennent à commencer leur récit par le début, dans ce Nigeria des années 70 en proie aux violences intercommunautaires entre chrétiens et musulmans. Tous deux ressentent le besoin d’expliquer pourquoi et comment la haine a pu s’installer ainsi, les contaminant à leur tour lorsqu’ils décideront de prendre les armes. Et de remonter jusqu’à la colonisation britannique, qui impose les musulmans dans l’administration, notamment comme collecteurs d’impôts, honnis du reste de la population. Ce jeu « des uns contre les autres», ajouté au prosélytisme des missionnaires, fera le lit d’un conflit larvé qui explosera, lorsque le pays traversera une période de grande pauvreté.
« L’état est faible, la population en grande précarité, la drogue et la corruption gangrènent le pays. Face à cette perte de valeurs morales, les musulmans souhaitent l’avènement d’un état islamique, les chrétiens se tournent vers les valeurs éthiques de leur Eglise. Chaque communauté éprouve le besoin d’un pôle spirituel fort qui puisse faire la balance avec les mondes politique et économique en faillite », explique l’imam Ashafa. Les jeunes dont ils sont, élevés dans la méfiance vis-à-vis de l’autre communauté, sont prêts à tout pour atteindre leur but. « Nous n’acceptions pas le statut de citoyens de seconde zone qui était celui de nos familles depuis l’arrivée des Britanniques. Une situation que l’indépendance n’a pas changée. Nous versons alors dans la violence, pour nous battre contre ce que nous appelions les deuxièmes maîtres de la colonisation», note le pasteur Wuye.
Chacun prend alors la tête d’un groupe d’activistes. Le pasteur y laisse sa main droite, un accident qu’il utilisera pour attiser les inimitiés. De son coté, Muhammad Ashafa, qui n’est pas encore imam, perd deux de ses maîtres soufis. « J’étais très mal, la révolte montait en moi. J’ai vite découvert que c’était la milice de James qui était responsable de ces assassinats. Et je n’avais qu’un but, le trouver pour venger mes maîtres », raconte-t-il.
Chacun d’eux cessera le combat après une rencontre. Parti évangéliser dans le nord-ouest, James Wuye va être perturbé par les paroles d’un collègue : « il m’a dit que je ne pouvais pas prêcher avec une telle haine des musulmans dans le cœur. Ces paroles m’ont fortement perturbé. J’ai réalisé mon hypocrisie et décidé de changer ». Quant à Muhammad Ashafa, ce sont les recommandations d’un imam qui vont transformer sa vie : « J’avais déjà rencontré James dans la maison du gouverneur où nous étions invités à discuter d’un programme de santé publique en faveur des enfants. Un journaliste nous avait présentés, nous incitant à nous réconcilier. Nous n’avions échangé que des banalités mais les jours suivants, j’y pensais tout le temps. A la mosquée, l’imam m’a alors parlé du pouvoir du pardon, de la nécessité, pour vivre en vrai musulman, de transformer un ennemi en ami. J’ai décidé d’essayer. J’ai passé de l’envie de le tuer au besoin de lutter avec lui pour transformer notre société et je me sens au service de Dieu ».
Les débuts ne furent pas faciles, peu de leurs anciens compagnons les comprennent, certains les traitent de traîtres. Tous deux parlent néanmoins d’un sentiment de libération, qui ne les a plus quittés. En 1995, ils fondent ensemble le Centre de médiation interreligieux musulman-chrétien dans leur ville de Kaduna et se disent résolument optimistes, puisque les relations entre les deux communautés évoluent dans le bon sens. Ils voyagent beaucoup pour témoigner de leur expérience. « Nous avons besoin des autres, dites bien que les valeurs de noblesse, de vérité et de compassion d'Abraham, sont communes aux trois religions juive, chrétienne et musulmane. Nous les partageons et devons aujourd’hui les porter, pour la paix, où que nous vivions ».
*« L’imam et le pasteur : de l’affrontement à l’engagement »
Jeudi 24 avril 18h, Uni Mail, Genève.
Vendredi 25 avril, Maison de L’Arzillier, Av. de Rumine 62, Lausanne
« L’état est faible, la population en grande précarité, la drogue et la corruption gangrènent le pays. Face à cette perte de valeurs morales, les musulmans souhaitent l’avènement d’un état islamique, les chrétiens se tournent vers les valeurs éthiques de leur Eglise. Chaque communauté éprouve le besoin d’un pôle spirituel fort qui puisse faire la balance avec les mondes politique et économique en faillite », explique l’imam Ashafa. Les jeunes dont ils sont, élevés dans la méfiance vis-à-vis de l’autre communauté, sont prêts à tout pour atteindre leur but. « Nous n’acceptions pas le statut de citoyens de seconde zone qui était celui de nos familles depuis l’arrivée des Britanniques. Une situation que l’indépendance n’a pas changée. Nous versons alors dans la violence, pour nous battre contre ce que nous appelions les deuxièmes maîtres de la colonisation», note le pasteur Wuye.
Chacun prend alors la tête d’un groupe d’activistes. Le pasteur y laisse sa main droite, un accident qu’il utilisera pour attiser les inimitiés. De son coté, Muhammad Ashafa, qui n’est pas encore imam, perd deux de ses maîtres soufis. « J’étais très mal, la révolte montait en moi. J’ai vite découvert que c’était la milice de James qui était responsable de ces assassinats. Et je n’avais qu’un but, le trouver pour venger mes maîtres », raconte-t-il.
Chacun d’eux cessera le combat après une rencontre. Parti évangéliser dans le nord-ouest, James Wuye va être perturbé par les paroles d’un collègue : « il m’a dit que je ne pouvais pas prêcher avec une telle haine des musulmans dans le cœur. Ces paroles m’ont fortement perturbé. J’ai réalisé mon hypocrisie et décidé de changer ». Quant à Muhammad Ashafa, ce sont les recommandations d’un imam qui vont transformer sa vie : « J’avais déjà rencontré James dans la maison du gouverneur où nous étions invités à discuter d’un programme de santé publique en faveur des enfants. Un journaliste nous avait présentés, nous incitant à nous réconcilier. Nous n’avions échangé que des banalités mais les jours suivants, j’y pensais tout le temps. A la mosquée, l’imam m’a alors parlé du pouvoir du pardon, de la nécessité, pour vivre en vrai musulman, de transformer un ennemi en ami. J’ai décidé d’essayer. J’ai passé de l’envie de le tuer au besoin de lutter avec lui pour transformer notre société et je me sens au service de Dieu ».
Les débuts ne furent pas faciles, peu de leurs anciens compagnons les comprennent, certains les traitent de traîtres. Tous deux parlent néanmoins d’un sentiment de libération, qui ne les a plus quittés. En 1995, ils fondent ensemble le Centre de médiation interreligieux musulman-chrétien dans leur ville de Kaduna et se disent résolument optimistes, puisque les relations entre les deux communautés évoluent dans le bon sens. Ils voyagent beaucoup pour témoigner de leur expérience. « Nous avons besoin des autres, dites bien que les valeurs de noblesse, de vérité et de compassion d'Abraham, sont communes aux trois religions juive, chrétienne et musulmane. Nous les partageons et devons aujourd’hui les porter, pour la paix, où que nous vivions ».
*« L’imam et le pasteur : de l’affrontement à l’engagement »
Jeudi 24 avril 18h, Uni Mail, Genève.
Vendredi 25 avril, Maison de L’Arzillier, Av. de Rumine 62, Lausanne