«La morale n’a jamais aidé personne»: faux, archifaux!

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«La morale n’a jamais aidé personne»: faux, archifaux!

14 janvier 2015
Chaque semaine, Protestinfo laisse carte blanche à des personnalités reformées.

A la suite des attentats qui ont touché la France, le médecin Jacques-André Haury a souhaité apporter des modifications à sa précédente chronique.

Le quotidien gratuit «20 minutes» du 10 novembre 2014 a consacré sa première page à un ouvrage de Gottfried Locher, président de la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS), dans lequel il parle de la prostitution. Sous sa photo figure cette citation: «La morale n’a jamais aidé personne!» On doit relire ces propos à la lumière des récents attentats de Paris.

Je n’exclus pas que cette citation soit déformée ou mal traduite. Mais cette affirmation s’inscrit dans un certain courant libertaire assez répandu dans notre société, notamment à partir de mai 68. Elle contamine parfois le discours de quelques théologiens. Elle mérite une réponse ferme.

D’abord, qu’est-ce que la «morale»? Elle a deux définitions:

– la morale consiste à établir la distinction entre le bien et le mal

– la morale constitue un ensemble de règles de comportement admises dans une société.

Etablir la distinction entre le bien et le mal: quel programme! Et quel beau programme pour des chrétiens qui cherchent à le réaliser à la lumière de l’Evangile. Aux esprits imbus de relativisme qui oseraient affirmer que c’est «une question individuelle», nous avons le devoir de tenir tête. Même en dehors de l’Evangile, il existe bien une morale universelle, que l’on retrouve dans tous les courants de pensée: pour ne citer que quelques exemples, le respect de la vie et de la personne d’autrui, la protection des faibles, la fidélité à la parole donnée sont toujours considérés comme des comportements moraux qui relèvent du «bien».

Quant à la morale prise dans son second sens, celui d’un ensemble de règles admises dans une société, elle est essentielle au vivre ensemble. Cette morale adoptée par un groupe social apporte à ses membres la sérénité nécessaire à la vie quotidienne. Un des principes est de ne pas heurter, de ne pas blesser inutilement les autres membres de la société. Dans ce sens, il est permis de considérer que certains comportements admis par notre morale occidentale soient de nature à heurter les populations migrantes, et je pense tout particulièrement aux musulmans. Une certaine licence sexuelle, des libertés vestimentaires proches de la nudité, la pratique de l’éthylisation expresse sont particulièrement choquantes pour des gens élevés dans un tissu d’interdits sexuels, qui voilent la femme et refusent la consommation d’alcool. On ne peut nier que ces divergences culturelles poussent certains dans une vision radicale de l’Islam et en fassent la proie des intégristes. Les chrétiens qui vilipendent toute discipline morale feraient bien d’y penser.

Et la morale protège aussi l’individu contre lui-même. Elle le contraint, dans des situations de doute, à opter pour le bien plutôt que pour le mal. Tous les soirs, nous pouvons nous féliciter d’avoir, pour des raisons morales, fait de bons choix –ou parfois nous désoler du contraire…

Je remarquerai pour terminer que la morale est la condition de la liberté: lorsque la morale s’efface de la société, il ne lui reste plus que la loi, et ses intrusions profondes dans la vie privée, pour garantir l’ordre public. En d’autres termes, la liberté individuelle se heurte toujours à une limite: si ce n’est pas celle de la morale, c’est celle de la loi ou celle de la force.

La charité nous pousse à considérer que la citation de 20 minutes a trahi la pensée du président de la FEPS.