Référendum et initiatives: une soupape de sécurité 2/2

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Référendum et initiatives: une soupape de sécurité 2/2

Anticipation
La démocratie suisse est épargnée par la contestation ou le rejet violent, qui traverse d’autres pays européens. Son système politique, qui laisse une place prépondérante aux citoyens, assure une stabilité nettement plus grande. Eclairage d'Antoine Challet, docteur en science politique à l'Université de Lausanne.

Suisse, 2035: la chambre du futur traite une initiative destinée à limiter la circulation des véhicules individuels. L’Association des étrangers de Suisse demande la suppression des frais de naturalisation. Le prochain tirage au sort des représentants du Parlement aura lieu en février 2036.

Même si c’est là de la pure fiction, ce petit état des lieux futuriste n’en demeure pas moins pertinent. Il fait réfléchir à l’adaptabilité de notre système politique, dans une époque où la solidité et l’efficacité des démocraties sont fortement questionnées. «De nombreuses idées sont actuellement discutées, certaines sont plus intéressantes que d’autres», observe le politologue Antoine Chollet. « Il est notamment question que les enfants puissent voter, par le biais de leurs parents, sur des sujets qui les concerneraient directement. D’autres réfléchissent à la création d’un Parlement des choses qui accorderait des droits civils et politiques aux animaux, aux végétaux et aux minéraux. La création d’une chambre du futur, dont le but serait de défendre l’intérêt des générations à venir, est également évoquée», ajoute-t-il.

Résultats mitigés

Bien que le chercheur ne soit pas forcément convaincu par certaines de ces réflexions, il les accueille avec plaisir et salue ces démarches qui témoignent d’une démocratie vivante, ouverte à de nouvelles perspectives: «J’ai quelques réticences à envisager une chambre du futur. A mon sens, la démocratie se joue avant tout au présent.» Pour le chercheur en pensée politique, le plus intéressant dans ces démarches reste qu’elles permettent d’envisager une extension de la démocratie directe à un maximum de personnes: «Le corps civique n’est pas figé. Au XVIIIe siècle aux Etats-Unis, il était difficile de penser qu’un noir puisse voter. En Suisse, le droit de vote des femmes ne date que de 1971.» Pour Antoine Chollet, l’abaissement de l’âge du droit de vote ou l’extension de celui- ci aux étrangers seraient des réformes décisives, quoique leur impact sur les résultats soit sans doute faible. Pour rappel, seuls les cantons de Neuchâtel et du Jura accordent le droit de vote et d’éligibilité aux étrangers au niveau cantonal et communal. Genève, Vaud et Fribourg leur permettent de participer à la vie politique des communes.

L'attrait du hasard

La question du tirage au sort revient également sur le devant de la scène. Le mensuel d’histoire et d’archéologie Passé simple lui a notamment consacré un dossier thématique dans son édition de mars. Cette pratique avait déjà cours dans la Grèce antique et visait à limiter la corruption et la concentration des pouvoirs, elle perdura en Europe jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. «Vouloir réintroduire une telle procédure pour sélectionner les membres d’une institution représentative me semble absurde. Elle pourrait toutefois être utile pour la constitution de certaines commissions ou pour définir l’ordre des noms sur les listes électorales», complète Antoine Chollet. Dans l’immédiat, le politologue pense qu’il serait plus important d’octroyer une enveloppe budgétaire aux membres du Parlement: «Le système de milice suisse fait qu’il existe de grandes disparités entre les élus. Certains peuvent engager un véritable ‹staff› pour les épauler dans leurs dossiers, d’autres sont contraints de les étudier pratiquement seuls.»

Un système extensible

Il pense également que le Parlement devrait créer un office budgétaire afin de mieux anticiper les dépenses de la Confédération: «Il est «Un système extensible» normal qu’un budget soit imprécis, mais cela fait plus de dix ans qu’il est totalement à côté de la réalité, minant la crédibilité du Département fédéral des finances.»

Malgré toutes ces critiques, Antoine Chollet se dit moins inquiet des attaques contre la démocratie directe qu’il y a huit ans, lorsqu’il avait publié un ouvrage défendant sa pratique: «Les gens se mobilisent. Le pire pour la démocratie directe serait qu’ils s’en désintéressent totalement.»