La transition écologique passera-t-elle par la violence?

© Mathieu Paillard
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© Mathieu Paillard

La transition écologique passera-t-elle par la violence?

Martin Nouis
27 février 2020
Combat
Jésus fut violent avec les marchands du temple qui avaient transformé cette maison de prière en caverne de bandits. Peut-on de la même façon user de violence contre ceux qui transforment notre «maison commune» en fournaise?

Après les incendies inédits en Australie, le «coup de chalumeau» dans le vignoble français de l’été dernier, les canicules toujours plus courantes en Europe, l’agonie du hêtre et de l’épicéa dans les forêts jurassiennes ou les glissements de terrain à la suite du dégel du permafrost alpin, nous faisons face à un paradoxe: d’un côté une prise de conscience sans précédent de la population, de l’autre un business as usual dans le monde économique. On pourrait même dire une fuite en avant lorsque l’on signe de grands traités de libre-échange qui annoncent une économie toujours plus mondialisée au détriment de sociétés locales plus résilientes. Un large consensus veut lutter contre ces dérèglements, mais le coeur du problème ne bouge pas d’un iota. Face à ce train lancé dans sa course frénétique, je vois germer une violence, et la juste colère de Greta Thunberg fait écho au désespoir d’une génération qui ne contiendra pas éternellement sa rage.

Si l’on parcourt la littérature des militants pour une transition écologique, on est surpris de voir combien arrivent à la conclusion qu’il faut une révolution spirituelle, comme une prise de conscience du fait que nous avons besoin des richesses célestes pour nous détourner des richesses terrestres. Mais bien souvent, pour les militants, la foi chrétienne ne ressemble pas à une solution. Et pourtant, peut-être aurions-nous pu donner un autre témoignage si l’on avait pris avec suffisamment de sérieux cet avertissement de Jésus: «Aucun serviteur ne peut servir deux maîtres. Car ou il haïra l’un et aimera l’autre, ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon.» (Mt 6,24) En appelant Mammon ce pouvoir de l’argent, Jésus nous montre combien il est une force maléfique, et combien il nous possède. Cette force nous aveugle lorsqu’elle nous laisse croire que l’on peut sauver la planète sans remettre en cause notre confort, car ce sont des «paroles douces et flatteuses qui séduisent les coeurs des simples», et nous empêchent de réagir et transformer nos vies à la hauteur du défi. Oui, il y a une violence à avoir, mais pas contre les humains. Il y a un combat à mener – pas contre la chair et le sang, mais contre cette puissance qui corrompt l’être humain, le pouvoir de l’argent.

Au début, il y a le déni.
Lorsque l’on n’ose pas regarder la situation en face de façon lucide.
Puis vient la colère. Une colère légitime.
Nécessaire, même.
Après la colère vient la négociation – les compromis qui nous rassurent.
Lorsque ces compromis apparaissent comme des leurres, vient alors le désespoir.
Un moment dur à passer.
Une mort à soi-même.
Mais en cheminant jusqu’au bout de ce chemin de deuil, on peut renaître, autrement, libre.
En ayant vraiment renoncé aux fausses promesses de Mammon.
En acceptant ce monde tel qu’il est, et en étant prêt à le transformer.
Les étapes du renoncement

Traverser un deuil nous fait passer par plusieurs étapes bien connues des psychologues et des pasteurs. De bien des façons, le changement climatique nous oblige à faire le deuil d’un monde stable et rassurant. 

L’actualité décryptée par un jeune théologien 

Le bon prédicateur doit avoir la bible dans une main et le journal dans l’autre, selon une formule attribuée au théologien Karl Barth. Chaque mois, la rédaction met au défi un ou une jeune ministre de décrypter l’actualité avec les outils de la théologie. 

L'auteur de cette page

Martin Nouis, pasteur à la paroisse fribourgeoise de Môtier-Vully, est père de quatre enfants. Il a fait ses études à Paris et Genève, et son précédent poste était à La Chaux-de- Fonds.

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