Négocier une place pour le fait religieux

Négocier une place pour le fait religieux / © iStock
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Négocier une place pour le fait religieux
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Négocier une place pour le fait religieux

Diversité
Minoritaires en Suisse, les familles qui scolarisent leurs enfants à domicile sont
aussi tenues d’assurer l’enseignement d’éthique et de culture religieuse défini par
leur canton.

Nombre d’approches pédagogiques coexistent au centre FEEL (Faire l’école à la maison) de La Sarraz (VD). Ce lieu associatif est à disposition des parents qui scolarisent leurs enfants à la maison. Dans ces locaux, ils peuvent organiser des ateliers communs, monter des projets, faire venir des spécialistes externes… «On mise entre autres sur une pédagogie participative proche d’une transmission naturelle, telle qu’elle se ferait dans un village», explique Mical Vuataz Staquet, co-présidente de FEEL. Des cours de français ou de mathématiques imprégnés de convictions chrétiennes côtoient les approches nourries par la pédagogie Montessori ou Steiner. «Nous avons de tout: des catholiques, des anthroposophes, des musulmans, des familles qui privilégient l’école en forêt…» 

Un sujet personnel

Pour certains parents, le choix de la scolarisation à domicile se fait en partie pour des questions religieuses. Mais aucune donnée fiable n’existe sur ces motivations. «Les familles se retrouvent autour des valeurs du centre, notamment la culture du don et le non-jugement», explique Mical Vuataz Staquet. Des ateliers de philosophie en commun ont par exemple lieu «pour évoquer les mythes, le rapport au monde, au divin». En revanche, pour ce qui est de l’enseignement théorique d’éthique et de culture religieuse (ECR) à proprement dit, «il n’y a pas vraiment d’atelier dédié», explique Mical Vuataz Staquet. Si sur d’autres matières, la collaboration est de mise, pour ce qui est du fait religieux: «Il s’agit de quelque chose de personnel. Ces sujets se discutent en famille, à tort ou à raison!»

Du côté des familles, l’ECR s’apprend «dans le vécu, la discussion, la rencontre avec d’autres gens», témoigne Lena Moser, maman de trois enfants de 5, 7 et 10 ans à La Sarraz, et s’appréhende comme tout autre sujet «par une démarche commune: si je me retrouve face à une question à laquelle je ne sais pas répondre, on cherche ensemble». Elle reconnaît aussi qu’expliquer le fait religieux est complexe quand des croyances personnelles sont en jeu. «On transmet notre foi chrétienne, au travers de notre vécu de prière, de nos convictions. On leur parle du judaïsme ou de l’islam en leur expliquant les différences. Mais il est clair que nous avons une conviction intime sur le sujet. Clair aussi que nos enfants seront libres de choisir leur croyance plus tard.»

Distinction difficile

L’ECR n’est «pas toujours connu et clairement distingué de l’enseignement confessionnel», reconnaît Sylvain Lang, inspecteur scolaire dans le canton de Fribourg, qui compte proportionnellement moins d’élèves scolarisés à la maison que dans le canton de Vaud. Un cadre légal plus strict est d’ailleurs en discussion côté vaudois. Pour ce qui est des ressources, les outils spécialisés dans l’ECR, ne sont pas non plus très connus des familles. «Aucun matériel ni religieux ni même scolaire n’est fourni aux parents ayant choisi de s’occuper de l’instruction de leurs enfants. Nous devons nous débrouiller seuls. C’est une excellente chose, car nous avons ainsi développé une grande communauté d’entraide», assure Murielle Favre Perret, présidente de l’association de parents Les Travailleurs de la Pensée, à Corcelles-près-Payerne (VD)… qui précise aussi que sa structure n’aborde pas les questions religieuses.

Aux parents de se débrouiller, mais les savoirs des jeunes sont contrôlés lors des visites à domicile. Dans le canton de Vaud, la «distance critique» de l’élève est évaluée, pour distinguer «les faits établis ou les notions communément admises des valeurs et des croyances de chacun». Dans les faits, «on vérifie par exemple qu’il y ait des notions culturelles sur des personnages ou des symboles importants, comme Noël ou Pâques» explique Sylvain Lang. «Mais on contrôle uniquement ce que les parents ont fait, pas ce que les enfants ont retenu», souligne-t-il.